À l’occasion du Japan Tours Festival, qui a eu lieu cette année du 24 au 26 février, l’équipe de CKJ est partie à la rencontre du dessinateur à l’origine de l’affiche du festival. Découvrez donc sans plus attendre notre interview de Souillon, dessinateur de Maliki, et de son bras droit Becky.
Pour commencer, pourriez-vous vous présenter ?
Souillon : Moi c’est Souillon, je suis le dessinateur de la bande dessinée Maliki.
Becky : Moi c’est Becky, je suis le bras droit de Souillon.
Pourriez-vous présenter l’univers de la BD, les personnages les plus importants ?
Souillon : Le personnage principal c’est Maliki, c’est pas forcément le plus important mais c’est le personnage central. Elle raconte sa propre vie dans un blog sous un format de BD. C’est comme ça que ça a commencé avant d’être des albums papier. Chaque semaine on publiait sur maliki.com une petite BD, un petit strip. En général c’est des anecdotes sur notre vécu, sur notre métier de dessinateur, notre vie à la campagne… Ça peut vraiment être n’importe quoi. Et ensuite, quand on a suffisamment d’histoires, on en fait un recueil papier. Après au niveau des autres personnages il y a des chats, que les gens adorent, on a aussi Fang, qui est la fille adoptive de Maliki. Et puis après on a tous ceux qui gravitent autour comme les voisins. On a aussi Becky qui est présentée dans la BD.
Justement Becky, on peut peut-être profiter de votre présence pour en savoir un peu plus sur votre rôle ?
Becky : Becky dans l’histoire, c’est une copine de Maliki, tout comme dans la vraie vie (rires). Je travaille tout ce qui est autour de la BD. Souillon va dessiner la bande dessinée et faire le scénario, et moi je vais utiliser et exploiter sa création. Par exemple pour le dernier album, que nous avons sorti en auto-édition, j’ai joué le rôle de l’éditeur, de maquettiste, de diffuseur, de community manager… Tout ce qui permet de développer l’histoire.
Souillon : Elle gère tout ce qui prendrait plus de la moitié de mon temps. Ça me laisse le temps de dessiner tranquillement.
Vous parliez du fait que vous vous serviez beaucoup de votre vécu pour les histoires de Maliki, en quelque sorte vous avez une vie très animée non ?
Souillon : Je pense qu’on a pas une vie beaucoup plus animée que les autres, c’est vraiment le regard qu’on porte sur ce qui nous arrive qui peut devenir intéressant. Cela dépend comment on l’éclaire et comment on le présente, mais tout le monde a des anecdotes à raconter, le tout c’est de savoir les faire vivre, les mettre en scène, et quand c’est réussi tout le monde s’y retrouve.
Du coup, comment ça vous vient ? Il vous arrive quelque chose et vous vous dites que vous allez l’écrire ou vous y repensez plus tard ?
Souillon : Souvent c’est assez immédiat quand il se passe un truc, on se dit « Ah ça c’est un strip, faut qu’on le note ! ». Des fois on oublie de le noter et c’est perdu à tout jamais, mais des fois on y pense et du coup on a une liste d’idées à la maison. Parfois ça sert jamais, parfois ça sert… Généralement faut que ça soit assez instantané aussi, faut pas laisser passer trop de temps entre le moment où ça arrive et le moment où vous le racontez parce que ce qui nous parait super sur le moment, parait un peu moins intéressant après.
Pourriez-vous nous décrire une journée dans votre travail, une sorte de journée-type ?
Souillon : Ah oui, on est réglé comme des horloges !
Becky : Le matin c’est la paperasse et les mails en général.
Souillon : D’abord un thé, puis une heure de paperasse, en tout cas pour moi, parce que pour Becky c’est plus. Après je fais du dessin ou du scénario jusqu’à 12h30-13h souvent, après on mange, on se refait un thé et c’est reparti de 14h30 jusqu’à, selon la quantité de boulot, 20h ou 21h. On essaie de s’arrêter un peu avant parce que c’est difficile une fois lancé de s’arrêter.
Becky : On a souvent dit oui à trop de projets, du coup il faut avancer. Et puis il y a les strips hebdomadaires qu’il faut sortir à l’heure puisque les lecteurs attendent.
Souillon : En gros, si on plaçait une caméra dans la pièce, on verrait deux personnes devant un ordi, et de temps en temps ils disparaissent parce qu’ils vont boire un thé, mais le reste du temps c’est fixe, on passe la journée sur les ordis.
Du coup vous avez une sorte de planning assez précis je suppose, si vous avez beaucoup de projets ?
Souillon : Déjà le fait que l’on fasse des strips hebdomadaires, on est obligé d’avoir cette régularité et de se dire « bon bah tel jour il faut absolument qu’on fasse le strip parce que c’est demain, ou tout à l’heure » et après sur les projets plus longs, on essaie de se faire un planning et de s’ y tenir
Becky : On s’y tient jamais (rires).
Souillon : Disons que ça permet d’avoir plus ou moins une vision à long terme, même s’il y a toujours des chamboulements avant la fin, mais cela fait partie du jeu. C’est souvent vers la fin des délais, avec l’adrénaline, que l’on trouve aussi les bonnes idées parce qu’il faut aller vite, et pour pas sacrifier la qualité on trouve des astuces. Certaines sont bonnes et on les reprend même plus tard pour gagner du temps. C’est éprouvant mais intéressant.
Concernant votre style graphique, assez inspiré des mangas et haut en couleur, qu’est-ce qui vous a inspiré ? Des oeuvres ou des artistes en particulier ?
Souillon : Il y a une grosse partie des dessins animés du Club Dorothée ! J’étais plus un gros mangeur d’animation qu’un lecteur de manga, auquel je me suis mis qu’après les dessins animés. Au niveau de style, mes référence c’est plus Rumiko Takahashi, qui a fait Ranma ou encore Maison Ikkoku. Il y a aussi Mitsuru Adachi, qui a fait Touch, surtout au niveau des scénarios. Et après il y a un mélange d’un peu de tout avec Akira Toriyama par exemple. C’est une espèce de digestion de tout ce qui me plait. Quand on dessine on a tendance à copier ce qu’on aime bien au début, puis petit à petit ça se déforme et quand on regarde 5 ou 10 ans en arrière on se rend compte que ça a complètement changé. Je pense que c’est à ce moment-là qu’on se dit « J’ai trouvé une patte ». Ça vient doucement.
Et du coup au niveau de votre parcours, comment avez-vous fait pour en arriver là ?
Souillon : Ah, ça a été sinueux et tortueux ! J’ai fait une Terminale S, au dernier moment, j’ai décidé d’aller dans une école d’ingénieur, puis je me suis dit que j’allais essayer de faire du dessin. J’ai fait une année de prépa de dessin pour tenter les concours des grandes écoles parisiennes, et ça a foiré. J’ai raté tous les concours, du coup je suis allé en fac d’arts plastiques mais c’était que de la théorie alors que moi ce qui m’intéressait c’était la pratique, donc j’y suis pas allé et j’ai dessiné dans mon coin. C’est là que j’ai commencé à pas mal dessiner pour moi, j’ai pensé alors à faire un blog BD, que j’ai pourtant pas fait tout de suite. Mais il fallait bien que je trouve quelque chose à faire alors j’ai tenté le concours des Gobelins en multimédia. J’y ai fait une formation de 2 ans en conception et réalisation multimédia, où il y avait un tout petit peu de graphisme mais où c’était principalement de la gestion de projets, de la programmation, de la manipulation vidéo, et c’est à ce moment-là que j’ai commencé le blog Maliki. Au départ c’était pour m’amuser, sans prétention aucune, et puis petit à petit, ça a pris plus d’importance pour moi. Au lieu de faire 3 cases, j’en faisais 5 ou 6, après je faisais des choses à rallonge, jusqu’à ce qu’Ankama, mon éditeur, remarque ce que je faisais sur un forum, et me dise « Plaque ton boulot et vient sur Roubaix, on vient de monter une petite boite et on cherche du monde ». Et voilà comment je me suis retrouvé dans l’aventure Ankama, et ils m’ont ensuite proposé de publier ce que je faisais sur le blog, au format BD.
Becky : J’ai fais aussi un bac S, et je suis allée à Gobelins, mais plus dans une formation Industrie Graphique. J’ai fais un BTS qui a duré deux ans, puis un bachelor commercial, une formation où on fait un peu de commerce, de marketing et du cross-média. Ensuite j’ai fais 6 mois de stage aux Pays-Bas pour peaufiner mon anglais, que j’ai perdu depuis (rires). Et après je suis allée le rejoindre, il cherchait pas forcément du monde mais je me suis incrustée (rires).
Souillon : Elle s’est incrustée puis finalement c’était pas si mal (rires). C’est vrai que ça faisait un moment que je voulais ne plus travailler seul, parce qu’un auteur seul peut pas vraiment gérer de A à Z tout ce qu’il a à faire, encore plus maintenant qu’on est en auto-édition. C’est impossible, il faut au moins être deux, voire trois ce serait pas de trop.
Vous participez à un certain nombre de conventions. Justement, qu’est-ce que vous aimez dans ce genre d’évènements ?
Souillon : Le restaurant le soir ! (rires) J’aime bien rencontrer les lecteurs, c’est important de voir les gens qui nous lisent comme on passe notre temps enfermés ou devant un écran. Ça fait plaisir de voir plein de gens quand on arrive. On se dit « Ah, mais y’a vraiment des gens qui lisent ». C’est vrai que les conventions pour nous se ressemblent un peu toutes parce qu’on a pas vraiment le temps d’en profiter. En général on arrive, on va sur le stand où il y a déjà plein de monde, on dédicace jusqu’à la fermeture le soir. Du coup, tout est un peu transposable d’un salon à un autre. Mais on préfère les conventions japanim que les conventions de BD traditionnelles, où l’ambiance est assez austère et où c’est un peu vieillot. Alors que les conventions japanim, c’est plus vivant, on voit des gens déguisés, y’a du bruit dans tous les sens. C’est plus fatiguant mais c’est stimulant.
Becky : En salon BD les gens découvrent plus en général. Les fans sont quand même là, c’est les premiers arrivés.
Souillon : On va dire que les 10 premiers c’est des gens qu’on connait par coeur, qu’on a déjà vu plein de fois, et après c’est des découvertes, où des gens un peu moins fans. En salon par contre c’est des gens qui connaissent plus et qui viennent exprès. Pour nous c’est aussi un moyen de se diffuser et de se faire connaitre auprès de plus de personnes.
Becky : On a des histoires qui reflètent ce qu’on vit, donc les gens ont aussi l’impression de nous connaitre et d’autre assez proches, donc ils sont contents de nous pouvoir nous voir en vrai, mais aussi de voir un autre visage que celui de la BD.
En plus pour le Japan Tours Festival, vous avez fait l’affiche. Ça représente quelque chose de particulier, non ?
Souillon : C’est vrai que ça fait plaisir quand un festival vous demande de faire une affiche, surtout un festival assez important comme celui-ci. On a toujours une petite fierté de voir son visuel en grand partout. Ça fait quand même plaisir !
Et ce visuel, il vous a pris combien de temps à réaliser ?
Souillon : C’était assez laborieux parce que le festival passe par une agence de communication, et de quelque chose de flou au départ, c’est passé à quelque chose de très dirigé, du coup il y a eu pas mal d’aller-retours pour arriver à ce résultat, et je pense que ça a pris trois fois le temps que ça aurait du prendre au début. Après une illustration comme ça, ça peut prendre une journée ou une journée et demi de travail quand on est bien calés, comme en plus on a pas de décor particulier. Souvent ce qui prend du temps c’est aussi les décors, alors que là on nous a demandé juste le personnage. Au début la demande c’était une fille en pied à cheveux rouge. Et petit à petit ça s’est précisé. Je voulais faire un peu le contraire de ce qui se fait en convention, c’est-à-dire pas une fille un peu bimbo, du coup j’avais proposé une guerrière avec une grosse armure de samurai, mais il fallait rester avec une fille plus classique.
Pour finir un peu dans notre milieu, que connaissez-vous de la musique asiatique ?
Souillon : Je pense à gamme pentatonique, parce qu’il y a un sketch d’Alexandre Astier qui dit que la musique asiatique ne se joue qu’avec les touches noires du piano, du coup tout le monde peut en faire. Il vanne un peu la musique asiatique (rires).
Becky : Moi je connais Ayumi Hamasaki !
Souillon : Je connais quelques pointures mais sinon j’ai aucune spécialisation. Au niveau musique j’écoute tout et n’importe quoi, tout ce qui passe. Ça peut être de n’importe quel pays.
Becky : D’ailleurs notre petite radio Maliki c’est un gros fourre-tout.
Souillon : Les gens disent « Mais what the fuck ? Qu’est-ce c’est ? ». On a pas de limites. On écoute beaucoup de musique de jeux vidéos.
C’est vrai qu’au niveau des animes ils arrivent à passer pas mal de choses, pas mal de genres !
Souillon : C’est vrai qu’il y a des musiques avec le recul (si on est un peu objectif), on se rend compte qu’elle sont pas terribles, mais à l’époque ça nous a marqué parce que c’est le générique de tel dessin animé qu’on a regardé dans telle condition. C’est toujours très subjectif.
Merci à Souillon et Becky pour cette interview,
et aux organisateurs du festival !