Le 16 octobre dernier, le président sud-coréen Moon Jae-in s’est rendu à l’Hôtel de Ville de Paris pour prononcer un discours officiel aux côtés de la maire de Paris Anne Hidalgo, dans le cadre de sa venue en France, première étape de son tour d’Europe, qui a pour objectif principal de parler de la pacification de la péninsule coréenne et de la politique d’ouverture. Alors que le dimanche 14 octobre, c’est un concert aux sonorités coréennes qui a eu lieu, alliant traditions et modernité, notamment avec la présence exceptionnelle des BTS, le mardi 16 octobre c’est le président Moon Jae-in accompagné de son épouse Kim Jung-sook et de ses officiels qui s’est rendu dans ce lieu symbolique qu’est l’Hôtel de Ville pour son discours.
Dans ce lieu somptueux au coeur de Paris, qui représente la culture française sous un bon nombre d’aspects, Anne Hidalgo et Moon Jae-in ont échangé compliments et remerciements, mettant des mots sur l’amitié franco-coréenne qui dure depuis des années, notamment entre les deux capitales Séoul et Paris.
C’est la maire de Paris Anne Hidalgo qui a prononcé les premiers mots de ce rendez-vous diplomatique, ayant eu lieu dans le salon Georges Bertrand. Voici la retranscription complète de son discours :
“Monsieur le président de la République de Corée, cher Moon Jae-in, mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les ambassadeurs, mesdames et messieurs les élus, chers amis, bienvenue à vous Monsieur le Président dans cet Hôtel de Ville de Paris.
Je suis très honorée de vous accueillir ici à l’Hôtel de Ville de Paris pour cette visite d’État qui consacre avant toute chose les liens d’amitié profonds qui unissent la Corée et la France.
Je veux aussi, au nom des Parisiens, saluer en vous Monsieur le Président, un président visionnaire, un président porteur de paix, un président qui nous a souri.
Nous gardons tous encore à l’esprit les images incroyables, impressionnantes, et pourtant réelles de ce défilé commun, de ces Jeux Olympiques que vous avez organisés cet hiver en Corée, et qui ont permis pour la première fois de montrer que le chemin de la paix était possible.
Sans votre engagement, votre détermination à défendre les valeurs de la démocratie, jamais cela n’aurait pu être possible, et aujourd’hui il nous guide aussi au-delà de la Corée, il nous guide parce que nous savons que les messages de paix sont portés et les actes sont posés, ce chemin est possible.
Votre visite d’État c’est aussi une façon pour moi de célébrer, de parler de nos deux capitales, Paris et Séoul, unies par un pacte d’amitié et de coopération il y a 27 ans, pacte que j’ai renouvelé lors de mon dernier déplacement à Séoul aux côtés de Park Won-soon, le maire de Séoul. Je veux vraiment profiter de cette occasion pour vous dire, Monsieur le Président, comme ce voyage m’a marqué et combien il me tarde de revenir à Séoul.
J’ai eu le plaisir d’accueillir ici à l’Hôtel de Ville de Paris le maire de Séoul, et je peux vous dire à quel point il a toujours été passionnant pour moi, de pouvoir échanger avec lui sur les solutions que nos grandes villes peuvent apporter aux grands défis de ce siècle.
Le premier de ces grands défis, celui qui nous mobilise toutes et tous, c’est bien la question du changement climatique et de la qualité de l’air. Et je connais votre engagement, Monsieur le Président, et l’engament de votre pays. Ce n’est pas un hasard d’ailleurs si c’est en Corée que le GIEC, le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat, a adopté la semaine dernière son rapport alarmant sur les impacts d’un réchauffent supérieur à 1,5°. Nous devons travailler ensemble, villes, États, mais aussi société civiles et entreprises, pour éviter des dommages irréparables pour la planète.
Nos capitales, Paris et Séoul, sont très largement mobilisées, notamment au sein de cette organisation des maires, le C40, que j’ai l’honneur de présider et qui réunit 98 des plus grandes métropoles mondiales, et Séoul et son maire sont parmi les plus actifs de ce réseau du monde entier.
Nous partageons beaucoup avec Séoul, et par exemple je suis heureuse que nous partagions des initiatives comme la ‘journée sans voitures’. Le 16 septembre, c’était à Paris. Elle s’est transformée, et ça nous donne des idées, en ‘semaine sans voitures’ à Séoul. Avis aux Parisiens, qui voudraient aussi se lancer dans une semaine entière sans voitures.
Paris et Séoul sont deux villes soeur qui partagent aussi des expériences ; par exemple, en matière d’agriculture urbaine, de tourisme, de petite enfance, d’urbanisme, d’accès de la ville aux personnes en situation de handicap, et rendre aux citadins l’accès au centre de la cité, c’est une priorité pour nos deux villes.
Je me suis beaucoup inspirée de Séoul, par exemple en créant le Parc des Rives de Seine, qui rappelle l’installation du Cheonggyecheon, projet qui a été réalisé d’ailleurs à Séoul en collaboration avec les experts de l’atelier parisien d’urbanisme. C’est la transformation d’une autoroute urbaine en parc urbain, et je cite souvent cet exemple pour faire comprendre que toutes les villes du monde, que ce soit ici en Europe, ou en Asie, mais avec des villes phare comme Séoul et Paris, nous sommes sur le même chemin en ce qui concerne notamment la reconquête de nos centre-villes pour leurs habitants.
Vous nous avez soutenu et accompagné pour gagner les Jeux Olympiques de Paris 2024, nous vous accompagnerons aussi dans l’ambition qui est la vôtre pour 2032. Le message de la Corée, des deux Corées, est un message non seulement qui correspond aux valeurs de l’olympisme, mais aussi aux valeurs de Paris.
Nous partageons également des jardins : un Jardin de Séoul à Paris, un Jardin de Paris à Séoul, nous partageons des lieux de vie, nous partageons tant de valeurs.
Monsieur le Président, la liste de ce que nos cultures ont en partage est encore longue, et nous sommes ici dans une ville qui aime l’art, la culture, l’artisanat coréen. Et vous savez comme moi, mais une fois encore, je veux vous le dire : votre présence ici est incroyable pour les Parisiennes et les Parisiens qui se joignent à moi pour vous dire ‘Gomabseubnida’ [ndlr : ‘merci’ en coréen], merci.”
Anne Hidalgo a ensuite laissé place au président sud-coréen Moon Jae-in, qui s’est adressé aux invités de cet évènement dans un discours emprunt d’admiration pour Paris et la France. Son discours complet est à lire ici :
“Madame la maire de Paris, Anne Hidalgo, chers Parisiens, ‘bonjour’ [ndlr : en français].
Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à Madame la maire, et aux Parisiens, pour l’accueil si chaleureux que l’on réserve à mon épouse et à la délégation coréenne. Je suis ravi et honoré d’être reçu à l’Hôtel de Ville de Paris, un lieu qui sait préserver l’Histoire vivante de la France.
Paris est une ville exceptionnelle qui occupe une place toute particulière dans le coeur des Coréens. Il y a un siècle, Paris a abrité la délégation du gouvernement provisoire de la République de Corée, qui était dirigé par Kim Geun-ji. Les activités diplomatiques menées à Paris en faveur de l’Indépendance avaient à l’époque procuré une grande force et apporté un grand réconfort au peuple coréen, désespéré d’avoir été amputé de sa souveraineté nationale.
La magnificence de la cité avait aussi de quoi séduire les Coréens. Après avoir visité Paris en 1885, Yoo Gye-chul, un penseur et politicien moderniste de la période de Joseon, l’a présenté avec enthousiasme et la voyait comme la première ville du monde. Il a dépeint ainsi dans un de ses ouvrages que la propreté des voies et la splendeur de ses meubles n’ont pas d’équivalent dans le monde.
Aujourd’hui, 160 ans plus tard, il me semble que les atouts et les larmes de Paris se sont encore embellis, emprunts de liberté et de romantisme. Les multiples paysages qu’offrent la cité sont magnifiques, mais l’esprit de tolérance des Parisiens est encore plus beau.
La ville accueille par l’harmonie et la cordialité, les rêves et les passions d’une multitude d’étrangers venus s’y installer des autres coins du monde. Diverses cultures s’y mélangent, et les rues parisiennes débordent de vitalité.
La tolérance et l’entente constituent la force de la France. L’exemple de Marie Curie, qui s’est vu décerner deux Prix Nobel, et celui des deux équipes de France de football qui ont remporté la Coupe du Monde deux fois, sont particulièrement parlants.
C’est aussi grâce à cette tolérance que vous êtes parvenus à surmonter le traumatisme et l’immense chagrin causés par les attaques terroristes perpétués à Paris en novembre 2015. Et je tiens à exprimer ici mon profond respect, à tous les Parisiens qui ont su répondre au terrorisme avec sagesse, en rejetant toute discrimination et méfiance.
Mesdames et messieurs, la France n’a pas développé cette force dans la facilité.
Le bâtiment, et la place de l’Hôtel de Ville, qui ont connu le feu et le sang en témoignent. Mais les Français n’ont pas eu peur des changements et n’ont jamais cessé leur combat pour la démocratie et la république.
Et ils sont finalement parvenus à mettre fin à l’ordre ancien d’une société bâtie sur l’oppression, la discrimination, et l’expulsion, pour ouvrir une nouvelle ère de liberté, d’égalité et de fraternité.
La Révolution Française, même lointaine, procure au peuple coréen une source d’inspiration et de courage. En effet, à Séoul, chaque petite mèche allumée tout au long de la Révolution des Bougies a ravivé le Révolution Française.
Comme l’a évoqué Jean-Marie Gustave Le Clézio, écrivain invité à Séoul, les Coréens ont montré une forte inspiration à travers un silence pacifique et non-violent, avec qu’une lumière qui illuminait la nuit.
Main dans la main, la France et la Corée ont franchi l’espace et le temps. Nos deux pays ont préservé la démocratie, dans un esprit de grande solidarité. La place l’Hôtel de Ville de Paris, et celle de Ganghwamun à Séoul, sont désormais liées par une même Histoire.
Chers invités, aujourd’hui la péninsule coréenne vit un bouleversement dans l’Histoire mondiale. Nous sommes en train d’unir notre sagesse et nos forces pour tourner la dernière page d’une surveillance sur les forces de la Guerre Froide et pour nous engager dans une ère de paix et d’harmonie.
Fort de notre coopération avec la communauté internationale, le peuple coréen et moi-même allons réussir à établir une péninsule pacifique et prospère. La soutien de la ville de Paris, d’où rayonne l’esprit de la révolution, et les Français qui ont su démontrer la grandeur de la France, nous donnera une force irrésistible.
J’ose maintenant espérer que la péninsule coréenne saura répondre à l’espoir de tous ceux qui aspirent à la paix, comme la France a su offrir à l’humanité la liberté, l’égalité et la fraternité.
Je vous remercie.”
À la fin du cours de Moon Jae-in, le président sud-coréen a rejoint Anne Hidalgo pour une poignée de main sous les objectifs des journalistes. Les deux représentants officiels de cette rencontre se sont alors retirés avec tous leurs officiels, laissant aux invités la liberté de rejoindre les autres salons pour profiter du champagne offert par les hôtes, et des hors d’oeuvre.
Cette rencontre, qui n’est pas allée au coeur de véritables problèmes rencontrés dans les deux pays, a cependant permis d’officialiser la volonté des deux capitales de travailler main dans la main à l’avenir, et de continuer de s’inspirer l’une l’autre, notamment pour maintenir la paix.
Merci à la maire Anne Hidalgo pour l’invitation,
et au président Moon Jae-in pour son discours !
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