Alors que Paris était en ébullition en ce 21 juin, jour traditionnel de la Fête de la Musique, l’équipe de CKJ s’est elle rendue au concert du groupe de synthpop-rock japonais aux influences underground version londonienne, The Fin. Quelques jours plus tôt, l’équipe avait eu la chance de rencontrer Yuto Uchino et Kaoru Nakazawa à l’occasion d’une entrevue exclusive dans les locaux de la Maison de la Culture du Japon à Paris.
C’est d’ailleurs cette même institution qui a convié le groupe à être l’invité d’honneur de sa soirée spéciale consacrée au festival. Pour le coup, le public était composé à la fois de badauds et de fins amateurs du groupe. Même s’il s’est avéré très calme pendant la soirée – voire même trop peu enthousiaste pour un groupe qui aurait mérité davantage de cris d’encouragement et de passion –, il était intéressant de voir que la Fête de la Musique avait réuni dans cette salle, à trois étages sous-terre, des personnes totalement éloignées de cet univers musical.
Pendant un peu plus d’une heure, et ce, même si on aurait apprécié un show plus long pour toute la musicalité et le talent qui en a émané, le groupe a créé une nébuleuse délicate et transcendante. Dès l’inauguration du concert avec le premier morceau interprété, le groupe – auquel s’est greffé spécialement ce soir-là le batteur britannique Tomo Carter et le guitariste japonais Kazuya Takenouchi – nous a immédiatement emmené dans un voyage sensuel, où la musicalité a revêt son plus bel habit. Pas de doute, la nébuleuse est exaltante, la musique enivrante et l’acoustique de la salle permet de savourer au maximum les nuances sonores et les couleurs des morceaux aux racines profondes. Entre folk, rock et synthpop, le style underground du groupe trouve refuge dans cette salle, assurément marquée par son empreinte. Que ce soit en live ou en studio, la musique de The Fin. fait tout autant voyager, mais d’une toute autre manière à chaque fois.
L’univers est si particulier et la voix de Yuto si envoûtante qu’on touche parfois à cette transe tant recherchée des artistes ! Entre les magnifiques arrangements vocaux auxquels on a droit en direct, et les instruments qui mettent en perspective une dimension supplémentaire à leur musique, The Fin. est un duo hors-du-temps qu’il ne fallait rater sous aucun prétexte.
Les morceaux s’enchaînent, de “Outskirts” , à “Without Excuse” , en passant par l’indétrônable “Shedding” et on s’étonne de la particularité du timbre de voix de Yuto, aux antipodes de sa voix parlée. Les sonorités sont sensuelles, ensorcelantes, au clavier comme à la gratte. Peu importe quel instrument prend le lead, les quatre jeunes hommes font corps avec et ressentent tout jusque dans leurs tripes. On a à faire à de vrais musiciens et ça se ressent inévitablement pendant le concert !
La maîtrise technique est indéniable, mais les sensations sont si exacerbées qu’elles effacent toutes traces d’effort ou de concentration. Le moment est parfois flottant et en suspens avec “Till Dawn” , parfois plus terrestre et cru avec “Chains”. Autrement dit, The Fin. parviennent à nous enivrer avec une espèce de pureté toujours présente, une délicatesse vis-à-vis des mots qui traversent la bouche de l’interprète principal et cette passion qui émane du doigté du bassiste lorsqu’il frôle les cordes de son instrument.
Souvent, la fin de chaque performance est accompagnée d’un simple merci ou d’un commentaire humble, auquel répond timidement le public.
Les performances sont pudiques, passionnées et ne manquent pas de ce côté cru qu’on retrouve aussi dans un vieux rock façon années 90 avec “Misty Forest”. The Fin. parviennent à nous exposer l’étendue de leur ambitus, et le voyage nous donnerait presque le vertige tant il nous remplit d’ivresse. C’est un vrai plaisir pour les oreilles, qui se délectent d’une telle musicalité, comme dans “Days With Uncertainty”.
Côté sentiment, le voyage a souvent une tonalité mélancolique. Fermer les yeux et s’imaginer près d’une plage, dans un train, voire même dans une autre époque, est un de nos jeux favoris à ce moment-là. N’importe qui aurait d’ailleurs pu se laisser porter par ce groupe indépendant, qui proposait aussi la découverte de morceaux plus accessibles au grand public, tel que “Night Time”.
Lors de l’entrevue, Yuto nous parlait de “racines”, et l’on a senti à quel point il n’était plus seulement question de revenir à certaines racines, mais bien de tailler ses propres racines. Le groupe a tracé son propre chemin et l’on s’est fait un plaisir de l’accompagner lors de ce voyage qu’on aurait souhaité sans fin. Parfois, c’était aussi la basse qui grondait le plus (“Faded Lights”), alors que le chanteur dessinait tout un paysage, grâce à sa voix séduisante.
Le groupe était franchement ravi de pouvoir se produire devant ce public, et s’est même fait un plaisir de conclure le concert avec le délicieux “Glowing Red On The Shore”. En réalité, le plus étonnant avec ce concert était de pouvoir entrer dans l’univers des artistes, mis à nus avec une grande facilité. Au travers de prestations épurées et sincères, The Fin. ont prouvé que la musique était une entité à part entière, que les instruments devenaient des voix, que les couleurs éclataient, et que toutes les sensations servaient définitivement à nourrir l’imagination. Voir The Fin. en live, c’est un peu comme lorsque l’on écoute une chanson avec un bon casque après l’avoir entendu à la radio : on vit une nouvelle expérience, complètement magique, mais surtout encore plus appréciable.
Un grand merci au groupe pour nous avoir fait vivre un pur moment de musique lors d’un voyage unique en son genre. L’écho était toujours présent lorsque les garçons ont éternisé le moment en continuant de jouer de leurs instruments, sous les applaudissements sincères de l’audience, avant de finalement quitter la scène sans pour autant rompre cette nébuleuse. On ne doute pas que certains soient sortis du concert la tête dans les nuages et des étoiles pleins les yeux !
Si le groupe n’aura malheureusement pas proposé de rappel à sa performance parisienne, Yuto et Kaoru ont pris le temps d’aller partager avec les personnes qui les ont découvert ce jour-là au stand de merchandising, un petit moment privilégié qui se fait rare sur les concerts de nos jours.
Remerciements à Aya Soejima, à la Maison de la Culture du Japon, à l’agence Hip Land Music Corporation et au groupe The Fin. pour cet agréable moment.