Le bon rock coréen ne désarme pas ! N.Flying voit officiellement le jour en 2013, disciple d’un courant k-rock mené par la FNC Entertainment, instigatrice des glorieux FT ISLAND ou CNBLUE. Les N.Flying, leadés par Lee Seung Hyub, connaissent un parcours pour le moins tumultueux dès leur lancée en Corée, en 2015. En 2017, l’album “The Real : N.Flying” accueille une nouvelle recrue dans sa baraque, Yoo Hwe Seung, qui s’ajoute au charismatique batteur Kim Jae Hyun et au prodigieux guitariste Cha Hun. L’intégration est évidente, presque essentielle et la deuxième lettre de la FNC ne serait rien sans le petit prodige du quintet ce soir-là, terriblement lumineux.
La rencontre entre N.Flying et HXL Events est surprenante, passionnelle mais loin d’être anodine. Les N.Flying ne ressemblent à personne d’autre et pour le décollage d’HXL, c’est la meilleure carte à jouer. Le public répond évidemment présent au Bataclan le 22 septembre. Les parents s’étonnent d’une atmosphère qui réanime les souvenirs embrumés des concerts d’une jeunesse évanouie. L’hétérogénéité de la foule est loin de nous griser, et nous arrache même quelques sourires, capable de nous rassurer sur le chemin qu’allait emprunter la soirée ; malgré un espace vide dans la fosse qui crie à ce qu’on piétine son parquet.
“Si c’est trop fort, c’est que vous êtes trop vieux”, Ted Nugent
Dès le début du show, les N.Flying balayent le malentendu d’un parfum populaire banalisé à la manière d’une manufacture. Le rap embrasse le rock sans grand soucis, et l’hystérie répond à la couleur moderne attribuée à la performance. On salue l’audace de lancer les festivités avec “Up All Night“. Le ton est donné à la soirée et la lumière bleue ne nous trompe pas. La chemise à paillettes vintage de Yoo Hwe Sung, inspiration discothèque 80s annonce déjà la tournure épileptique du concert. Et pour ça, mention spéciale à l’ingénieur lumière. Et ah ! Surprise, on aurait presque manqué le cinquième élément, quasiment englouti par le décor, si son doigté à la basse ne nous avait pas scotché. C’est Seo Dong Sung, le phénix de Honeyst qui s’est greffé au groupe le temps de la tournée, et on l’en remercie. L’association avec le petit ovni de la basse porte ses fruits.
“R U Ready” ne marque que le début du set mais renoue déjà avec l’esprit fanatique de la K-pop de l’époque. On n’est pas tout à fait dans la transe d’un milieu de concert que les footstomping vrombissent déjà. Le Bataclan ne pourra pas nous en vouloir de marteler son parquet ! Ô combien nous ne sommes pas surpris quand les N.Flying se laissent à peine déstabiliser par ces bruits venus d’ailleurs… ou plutôt de France. Au contraire, rien n’est mieux pour eux qu’un vent puissant pour les emporter dans une tempête encore plus affriolante. Hélas, c’est loin d’être notre cas : sonorités EDM, rap peu convaincant, “R U Ready” ne nous aura pas dans ses filets.
Déshabillez le rock et vous y trouverez peut-être de la funk ! “Preview” ne déroge pas à la règle du méli-mélo des genres qui nous pousse toujours à la limite de la K-pop. Le “boogie-woogie” bien policé et le riff de guitare qui aguiche la basse groovy nous font pourtant l’effet inverse : on se lie même d’affection à la douce mélodie qui flatte notre ouïe, même si le groupe est diaboliquement tenté d’embrasser les codes classiques de la pop coréenne. Les N.Flying, ce sont aussi des petits gars romantiques qui n’hésiteraient pas à immortaliser le visage de leur muse, loin d’un “scénario prédéfini”.
Les plus réticents à la fureur de la salle feraient mieux de partir. Les vives acclamations ne sont que plus délicieuses quand les artistes troquent leurs instruments pour leur micro. La foule accueille avec bienvenue le groupe, bien décidé à apporter sa fraîcheur au Bataclan qui refait peau neuve :
“Bonjour, nous sommes N.Flying !
Lee Seung Hyub : Je suis le leader des N.Flying, Lee Seung Hyub.
Cha Hun : Bonjour, je suis Cha Hun, enchanté !
Jae Hyun : Bonsoir, je suis Jae Hyun de N.Flying.
Hwe Sung : Bonsoir, je suis Hwe Sung.”
A coup de “votre enthousiasme est surprenant” et de “êtes-vous prêts ?”, les N.Flying flattent leurs fans en rappelant à l’ordre l’un des commandements premiers de tout rockeur qui se respecte : savoir provoquer l’hystérie en temps voulu. Et ils le réalisent à merveille !
Le rock coréen n’est pas mort, loin de là ! Étonnamment, les jeunes hommes ne savent même pas qu’il est d’orfèvre ici. Vous aurait-on donné quelques indices sur une deuxième surprise ? Peut-être bien… En tout cas, on reçoit sans broncher le coup de fouet de “Anyway“, et pour peu qu’ils le répètent -toutes proportions gardées-, on est prêt à les “aimer” pour ce titre qui se forge dans le regard d’une jeunesse émancipée, à l’instar d’une génération 2000, nourrie aux sonorités Blink 182, Sum41 ou plus récemment 5SOS. Le petit chef d’œuvre du mini-album “How Are You?” enchante quiconque hésite encore entre fougue populaire et cadence punky. Et on se laisse volontiers porter par ce vent de fraîcheur aux allures juvéniles et ardentes. Le credo esthétique et musical de chacun éclate pour ne plus laisser que l’harmonie frénétique de claps de mains et de cheveux virevoltants sur l’irrésistible “LoveFool“. Si le morceau ne rime pas avec imprévisibilité, il n’en reste pas moins hyperactif.
Don’t mess with them ! C’est sur ce titre -qu’on a quelque peu remastérisé à notre sauce- que les N.Flying livrent l’une des prestations les plus rock’n’roll de la soirée. Vertigineuse, la performance est exceptionnelle ! Car le jeu de questions-réponses est définitivement fun et que le groupe se dénude enfin de sa parure ornementée pour ne plus que miser sur un parti-pris intrépide qu’il maîtrise à la perfection ; croisement appétissant entre J-rock et sonorités FNC. Seung Hyub revêt l’habit d’un grand et prouve qu’on peut lui faire confiance. Mention donc spéciale à cet instant effréné !
Une petite pause n’est pas de refus pour calmer les ardeurs et la transe qui ne tarderait à pointer le bout de son nez :
“Lee Seung Hyub : C’est la première fois que je fais un concert à Paris et je suis vraiment surpris par vos encouragements. Je suis vraiment étonné. Je suis vraiment heureux de voir que vous m’accueillez d’une manière aussi spéciale.
Hwe Sung : Normalement, à chaque concert, il y a une organisation spéciale. Une fois rentré dans la salle, j’ai tout oublié à cause de l’ambiance. Nous vous avons préparé quelque chose de spécial. ‘Vous nous avez tous manqué’.
Jae Hyun : Moi aussi je veux dire ce que j’ai ressenti. ‘Je vous aime, excusez-moi je vous aime’ ‘Délicieux, délicieux’. Je dis tout ce que j’ai appris. C’est bien le bruit de vos pieds ? Mon cœur n’arrête pas de battre à l’entente de ce son.
Lee Seung Hyub : C’est aussi l’automne en Corée, en automne il y a la pluie, et on est aussi sensible au temps. On va tous modérer notre énergie.”
Vivre d’amour et d’eau fraîche
On n’aurait pas dit mieux que le leader des RadioHead quand il maintient que “sans vulnérabilité, la musique n’est rien”. Et si jusque là il nous en manquait, c’est dans la tendresse et l’innocence du visage de Hwe Sung qu’on la perçoit par touche quand le groupe se lance dans une cavale vers la romance avec “Like A Flower“, annonciateur d’un parti-pris duveteux et délicat. La formation change, tantôt 4, tantôt 5, N.Flying déploient leurs ailes dans “Crossroad” et “Spring Memories“, mixtures délicieuses, fruits d’une symbiose indéfectible entre les deux rappeurs. Et si l’on pouvait inventer un terme, on dirait même qu’on y décèlerait des échos de poésie FNCienne. Pause douce et fragile où sensibilité se mêle au très entraînant “souvenir de printemps”, qui rappelle finalement sans appel la voix de son copain d’un soir, “Rooftop“. Et même si la sincérité se fait par à-coups la malle, il est si facile de succomber à l’ensorcelant timbre de Seung Hyub. A contrario, on s’abstiendrait bien du fanservice poudreux qui nous indispose à accueillir avec entrain la candeur des musiciens.
A défaut d’être des techniciens de l’originalité, les N.Flying ont au moins ça qu’ils débordent d’une simplicité exquise, que les plus mélancoliques d’entre nous fantasment sans cesse. Et si on est loin d’une singularité à la FT ISLAND, ses aînés dont on vante inévitablement les mérites, le quatuor cultive une plume qui lui est propre, et une énergie inaltérée dans quelconque registre il plonge. Les accords de la guitare acoustique font valser les bras qui lèvent haut perché les intrus des concerts, où la seule lumière d’un flash aveuglant est celle d’un rose satiné, mille fois plus appropriée.
“Lee Seung Hyub/ Hwe Sung : Vous avez été émus ? Vous vous êtes mis d’accord pour être aussi à fond ? Merci beaucoup en tout cas. Les fans de Paris sont les meilleurs. Pendant notre tournée, c’est à Paris que nous avons eu le plus de temps pour visiter, je crois que je suis tombé amoureux de Paris et de vous aussi. On a un peu visité Paris. Est-ce que vous voulez qu’on dise chacun notre tour ce qu’on a apprécié ?
Lee Seung Hyub : Je vous l’avais dis dans le V Live, mais je voulais vraiment aller voir l’arc de Triomphe et la Tour Eiffel, et bah je l’ai fais ! Je voulais aussi goûter au bœuf Bourguignon, mais je n’en n’ai pas eu l’occasion.
Jae Hyun : Visiter l’Arc de Triomphe ! Me balader sur les Champs-Elysées ! Voir la Tour Eiffel ! On l’a fait, mais je veux marcher sur les bords de la Seine. Et comment marcher sur les rives ? Je mets deux baguettes de pain dans du papier marron, avec trois pommes, du lait. Je voulais aussi visiter certains musées mais ce que je voulais le plus faire, c’était manger une ratatouille en regardant le film ratatouille. ‘Délicieux ?’
Hwe Sung : Je mangeais ce qu’on me donnait à l’hôtel, le steak tartare, les escargots. J’ai adoré. Je voulais aussi aller à la piscine pour m’amuser.
Seung Hyub : Ce que je voulais faire, c’est vous interpréter une chanson que vous nous avez réclamé.”
Après quelques réglages sons, et un ingénieur loin d’être passé inaperçu sur scène, au grand dam de Lee Seung Hyub, on s’éprend de sympathie pour le pianiste hors-pair, lorsqu’à la façon d’un virtuose, il dépossède le clavier des premières notes de l’intemporel “La Vie En Rose” de notre savoureuse Môme Piaf. La prise de risque est infidèle au potentiel du quartette, mais un artiste doit savoir satisfaire les attentes de ses fans et comme il a été si bien professé par Jimi Hendrix, “la connaissance parle mais la sagesse écoute”. Être artiste, c’est aussi écouter les chefs d’œuvre architectes d’une fantaisie inchangée. Le lancer de rose et son effet cinématographique marquent des points. Le public se laisse aller et tente de se joindre au groupe et bon gré mal gré, la reprise dépote, à condition d’être sensible à l’hymne aux interprétations récidivantes !
“Lee Seung Hyub : Vous nous avez proposé plusieurs chansons, mais beaucoup d’entre vous ont sélectionné celle-ci, ça ne fait que très peu de temps que j’ai réécouté cette musique, mais j’ai de nouveau regardé “The Star is Born”, et c’était l’une des premières musiques du film. Je me suis dis que si on donnait des roses, le rendu pouvait être très beau. Apparemment, c’est l’un des morceaux français légendaires. Par contre, le français était très difficile.”
Vous avez dit rock ?
L’instant d’après est à couper le souffle. Les N.Flying ont du Queen en eux et frappent fort avec des reprises déroutantes dans une version bondissante à souhait, dont on se délecte tant. Ils en ont sous le pied et redonnent ses lettres de noblesse le temps d’une soirée à un Freddy Mercury éternel, sous une version rétro-moderne d’un glam-rock insurrectionnel. Retour en été 1986 à Wembley, pour le show le plus anthologique du quatuor au génie fou. A la place d’un “God Save The Queen”, un “God Save The NFia” engloutit la foule après un échauffement bouillant aux vocalises indétrônables du surdoué de la scène.
Sans pitié, dans un groove lancinant, les cinq rebelles abolissent nos craintes d’un poisson rock noyé dans un océan pop. La bonne vibe rock à la coréenne est impétueuse, biberonnée à des 70s loin d’être au fond du tiroir. La formule roots est tendance, et l’exploration aventureuse de l’historique et opératique “Bohemian Rapsody” ressuscite à l’unisson les prophètes d’antan, pour qui la rage émerge dans la fougue d’un “We Are The Champion“, à la façon d’une victoire de coupe du monde. Les beaux visages, envoyés au tapis par le réveil passionnel de Yoo Hwe Seung, pourtant le petit minot de la bande, ne suffisent plus à prendre aux tripes les jeunes demoiselles, qui s’extasient de loin devant leur instinct primaire de rockeur. Impossible de les arrêter, la moustache de Hwe Seung s’accroche à son propriétaire comme Freddy s’agrippe à son premier fidèle, son micro. Impossible aussi de rester de marbre face au rythme frénétique du medley, porté par l’oiseau rare Cha Hun, qui dévergonde les riffs à la guitare dans un solo jubilant. Aucun doute, le petit prodige a été élevé au rock brut et on ne peut qu’en apprécier le résultat !
Ne vous fiez pas à son nom, “Flowerwork” est le fruit juste d’une fusion presque syncrétique entre l’âme d’un rockeur progressif et le cerveau d’un expert de la déferlante coréenne. Si on l’affectionne déjà en bande-son studio, en live, on se frotte à une version délirante, sans limites. Aberration pour les puristes d’un rock des nineties, concevable pour les académiciens de la scène K-pop mainstream, c’est justement le côté névrosé de cette piste un peu loufoque et chaotique qu’on aime, alors que malgré nous, on caresse les frontières d’une frénésie de festival qui a élu domicile dans la salle, nous emportant avec elle sur ses sentiers éclatants. Séduit, on l’est, et pas qu’un peu ! Grâce à Hwe Sung et son côté borné, proche d’un ado capricieux et rebelle, on réapprend à aimer le morceau, qu’on ne se lasse plus d’écouter depuis…
On se demandait quand allait avoir lieu le coup de folie épileptique de l’ingénieur lumière, prometteur d’un grand spectacle. Plus de suspense, c’est “Endless Summer” qui est enchanté d’en être son cobaye. C’est dans sa version nippo-coréenne – la langue aurait-elle fourché ?- qu’on embrasse le titre endiablé et son beat passionné sur lequel Hwe Sung nous offre son plus beau déhanché. Cha Hun se révèle ensorcelant, fils spirituel d’un Shin Jung Hyeon inoubliable. Jae Hyun fait bien de soutenir les hurlements de l’audience avec un frisé-roulé* au caractère bien trempé, après quoi le groupe n’oublie pas de demander “How R U Today“, sur fond de quelques petits problèmes techniques.
Le 05 mars 2019 a définitivement laissé sa trace dans les mémoires de nos quatre jeunes hommes. Première victoire sur “The Show“, les N.Flying ont avec “Rooftop” fait leur entrée dans la cour des grands. “Rooftop” n’est pas né de cendres. En live comme en session studio, il honore la réputation de son maître. Les lighticks sont les nouvelles mains et la performance possède tout le monde jusqu’au bout des ongles. Difficile de faire un tube de nos jours, mais “Rooftop” foudroie de son ambition pop les appréhensions des auditeurs. La nouveauté prime et le morceau a quelque chose de terriblement émouvant : on salue le travail sophistiqué qui souffle un vent de tendresse au Bataclan. L’écho est un mensonge, puisque le groupe fait durer l’instant, a capella, soutenu par une horde de fans empoignés et emportés. L’ostinato nous enivre, mais présage la fin. Le temps nous rappelle à l’ordre : malheureusement, on aimerait cette fois-ci que la maxime ‘les bonnes choses ont une fin’ soit fourbe et factice.
L’ambiance est à son paroxysme quand les N.Flying reprennent la parole :
“Lee Seung Hyub : Je suis très ému parce que vous avec chanté avec moi ‘Rooftop’. C’est surtout parce que je suis le père de ce morceau. Moi aussi, à chaque fois qu’il y a la partie solo, mon cœur s’accélère.
Jae Hyun : Merci beaucoup [référence aux bannières]. A chaque fois que j’interprète ‘Rooftop’, c’est un pur bonheur.
Hwe Sung : Je reçois la joie de chanter, à chaque fois que je peux chanter avec les Nfia du monde entier. ‘Merci beaucoup’.
Seung Hyub : Nous avons une surprise spécialement pour vous. On va vous la faire écouter tout de suite.”
La basse bourdonnante fait vriller les tympans sur un set de quatre morceaux d’exception, dont l’un des rookies, pas tout à fait sorti en version studio, “Sunset“. Et oh ! Hwe Sung est presque à deux doigts de se casser la voix devant l’hydre d’adrénaline qu’est “Sunset”. La fameuse surprise happe dans une tonalité pop-rock pure les âmes qui se hâtent de la découvrir en version enregistrée. Changements de places alternent avec levées de bras, et Seung Hyub n’a pas peur de mettre les fans en émoi en laissant malencontreusement apercevoir un petit bout de chair. “Sunset” entrera peut-être dans l’histoire du groupe ? Il faudra prendre son mal en patience pour que le titre se soumette à l’épreuve de vérité. Prompt coup de cœur, “le coucher de soleil” est suivi de “Leave It“, une expérience à ne pas manquer. “Leave It” attire les amoureux d’une symphonie rockantatrice : les notes haut-perchées de Hwe Sung côtoient la musicalité du leader. “Leave It” laisse à la porte les doutes pompeux, futiles dans cet événement de partage qu’on apprécie sans rechigner. Et qu’est-ce qu’on raffole de ces instants prenants qui nous remplissent d’un enthousiasme extravagant !
Les N.Flying n’ont rien d’amateurs. Les kicks nous achèvent d’un coup de massue, et le groupe se donne sans complexe à une performance torrentielle sur “The Real“. Ceux qui veulent d’un rock à la lisière d’un punk prématuré sont servis ! On est même prêt à parier que les doubles-croches* engourdissent les doigtés des instrumentistes. A croire que le groupe n’est pas au bout de ses forces, c’est avec le ténébreux “Fall With You” qu’il clôt les prémices –bien avancées, on vous l’accorde- du concert. “Fall With You”, c’est pour nous la consécration ultime du potentiel du groupe. Immuable, le morceau a tout du classique pop-rock aguicheur. Pourtant, l’émotion est pure, et la sensation est d’une fragilité qu’il faut protéger. Car “Fall With You” n’est pas “Fall For You”, et alors la poitrine se gonfle, les larmes se brisent en flots sur les visages des fans, ravagés par mille sentiments disparates, les mains tremblent, et l’on touche enfin à un joyau précieux, à la corde sensible qui fait chavirer. Il aura fallu du temps avant d’y entrer, mais la sortie est impossible, tant le plaisir que nous offrent les garçons est confortable et enflammé : on goûte enfin à leur irrégularité, à leur lâcher-prise, à leur ailleurs.
“The Show Must Go On” !
Le show doit se poursuivre, certes, mais après combien de temps ? Hélas, l’attente pour le rappel est longue, beaucoup trop longue. On ne le soulèvera jamais assez, les fans ne chôment pas. Loin d’être largué, le public s’endosse volontiers de la responsabilité d’un climax à maintenir. Familiale, l’atmosphère est pour le moins l’archétype de celle d’un concert de rock, jamais désabusée. En effet, l’entrée sur scène des garçons dans des t-shirts noirs à l’effigie de la tournée fait saliver les fanatiques du rappel. Le rock n’est pas prêt de faire ses adieux tant les parties rappées de “Say Goodbye” lui donnent une nouvelle allure, celle d’un monstre séducteur, aux griffes acérées. Cha Hun et le bassiste mènent la danse. Au delà de sa pudeur, Cha Hun dissimule une facette électrisante, un talent que même les mots n’ont pas la prétention de traduire. Le vrai musicien éclot-il dans le silence ? En tout cas, sa prestance sur scène galvanise des réflexions jouissives.
Qu’auriez-vous été si jamais vous aviez l’opportunité de signer une nouvelle vie ? Une patate chaude ? Pas si sûr ! Mais on écoute volontiers l’histoire divertissante du groupe. “Hot Potato“, c’est aussi une cadence alternative qui renvoie sans pitié au vestiaire le “parfois je voudrais me reposer”. Le tube de “The Hottest” titille les sens et s’amuse avec les nerfs des fans, qui ne contrediraient assurément pas le groupe quand il clame “que feriez-vous sans moi ?”. On apprend une chose : ne jamais refuser une bouffée d’air frais !
La fin du show nargue la salle, et le discours de clôture ne tarde pas longtemps avant de sortir du placard :
“Hwe Sung : Je veux dire que c’est le dernier concert qui conclut la tournée mondiale. Je suis reconnaissant parce que vous nous avez permis d’apprécier le moment. Prenons une photo ensemble !
On va chacun vous adresser un mot pour vous remercier. Paris, c’est la première fois pour moi, la première fois que je vous rencontre. On dit qu’on n’oublie jamais ses premières fois. Merci de m’avoir donné l’opportunité de faire cette première fois.
Cha Hun : Moi aussi, c’est la première fois. Chaque endroit que je vois est vraiment magnifique. Les gens sont très sympas et aimables. Je vois la France de Nfia. Je ne pourrai jamais oublier ce concert. Je ferai beaucoup d’efforts pour venir vous voir plus souvent.
Jae Hyun : En arrivant à Paris, j’ai visité de très beaux endroits. Tellement que je ne peux pas tout énumérer. C’était comme une œuvre d’art. La vue de ce soir était géniale. Quand je vais retourner en Corée, je vais me vanter que Paris est très belle et géniale. Mais je pense que je dirai que c’est le meilleur concert que j’ai fais. Je vous remercie vraiment beaucoup. Je t’aime.
Seung Hyub : Malgré la fatigue, tout est beau ici. Les paysages, même la vue. Je suis tombé amoureux de Paris après cette tournée. Merci de nous soutenir jusqu’au bout. Quand je rentrerai en Corée, nous nous préparons à vous revoir très bientôt.
Dong Sung : Je voudrais vous remercier de m’avoir permis de visiter Paris. Merci beaucoup pour tout.
Hwe Sung : Est-ce que vous avez encore de la force ? On va faire une dernière chanson ! Donnez tout ce que vous avez. Nous sommes N.Flying, merci !
Jae Hyun : Grâce à vous, nous avons terminé la tournée mondiale. On va revenir.”
Pour ne pas oublier, les membres foulent une dernière fois le parquet sur “Don’t Forget This“, un morceau qui risque de laisser son empreinte sur les façades du Bataclan, avant de quitter la scène sous les regards tendres des fans, mus par une belle mélancolie.
Conclusion, on est sûr que le Bataclan sera de nouveau prêt à accueillir cette mixture boysband nostalgique d’un rock intempestif, pêchu et porte-parole d’une jeunesse ambitieuse. Si les petits faux pas sont nombreux, ils n’en restent pas moins invisibles. Pour le coup, à chaque performance son virtuose, et à chaque as le mérite qui lui revient de droit ! Dans des performances où le rap apaise le rock, on aurait toutefois peut-être autorisé à ce quintette d’exception plus de place pour l’expérimentation. Malgré tout, c’est le cœur léger que nous quittons la salle, encore sous les coups de mélodies qui se sont faufilées le temps d’une soirée dans les bras de Paris, et que les fans n’oublieront sûrement pas.
*frisé-roulé : technique à la batterie, consistant à alterner entre la main droite et la main gauche. Différent du roulement (2 coups).
*double-croche : notes de musique au tempo rapide, jouée sur le demi-temps d’une croche, équivalente à une noire.
On remercie bien évidemment HXL Events pour l’invitation, les équipes artistiques, techniques et les N.Flying pour leur beau travail.