LEMONDE consacre une nouvelle fois un de ses articles sur la vague coréenne en France. Voici l’article:
La France bilingue en pop coréenne
500 euros la place au marché noir, une -billetterie qui explose sous la demande… La nouvelle idole des ados français est un pays – la Corée du Sud – qui arrose la -planète de ses boys bands hyper-marketés.Par Julien Blanc-Gras
Un lundi matin d’octobre à Paris. Des centaines de jeunes gens patientent devant un théâtre des grands boulevards. Anglais, Russes, Espagnols, Suédois, Français : ils sont venus de toute l’Europe pour participer au casting d’un télé-crochet. Rien d’étonnant ? Sauf que l’émission en question est coréenne. Et que la chaîne, SBS, a organisé des castings semblables à Pékin, Buenos Aires, New York et Los Angeles, à la recherche de la nouvelle star. Constat : dans le monde entier, des ados rêvent de devenir des vedettes de la K-pop au pays du Matin-Calme.
DE QUOI S’AGIT-IL, AU JUSTE ?
D’un courant musical, la K(orean) pop, qui mélange R’n’B, électro, rap et rock. De boys et girls bands formatés, aux productions aseptisées et aux chorégraphies millimétrées. De textes chantés en coréen, quoique souvent émaillés de refrains en anglais, où l’on note une forte récurrence des termes baby et love. De soupe bien emballée et servie par des minet(te)s trop stylé(e)s. Super Junior, SNSD, BoA, 2NE1 : leurs noms ne vous disent sûrement pas grand-chose. Mais en Corée, les idoles de la K-pop sont partout. Contenus médiatiques, supports publicitaires et objets de cristallisation hormonale pour adolescents stressés par la pression scolaire, ils sont aussi un sujet de fierté nationale.
Car le genre conquiert la planète, en dépit des frontières linguistiques. La chaîne de YouTube consacrée à la K-pop a enregistré 2,3 milliards de visites en 2011, soit trois fois plus que l’année précédente. Après le Japon, pourtant plutôt exportateur de culture dans la région, la K-pop a envahi l’Asie. Elle s’est ensuite immiscée là où on ne l’attendait pas forcément. En Arabie saoudite, les clips des petits chanteurs coréens ont été visionnés 42 millions de fois et 25 millions de fois au Pérou. L’an dernier, le groupe Big Bang a atteint le top 10 du classement iTunes américain, en étant les seuls non-anglophones parmi les cent premiers.
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L’Europe et la France ne sont pas épargnées. En juin dernier, le SMTown Live Tour, premier concert de K-pop sur le vieux continent, au Zénith de Paris, a donné lieu à une véritable ruée. Le site de la billetterie a bogué sous le nombre de demandes. Les places ont atteint 500 euros au marché noir. Les fans frustrés de ne pas avoir obtenu le sésame ont même organisé une flash mob(une manifestation éclair) devant la pyramide du Louvre pour réclamer un second concert. Ils l’ont obtenu.
Pour Charlotte Naudin, de Korean Connection, une association qui promeut les échanges culturels franco-coréens, “il s’agit d’un public généraliste, venu de toutes origines et de tous milieux sociaux. S’il y a des Coréens adoptés qui renouent avec leurs racines par ce biais-là, cela va bien au-delà de la communauté asiatique”. “La base des fans est composée en majorité par les 13-25 ans, avec 80 % de filles”, explique, de son côté, Nicolas Buonocore, le fondateur de K-FM, une web-radio sociale française lancée l’an dernier, qui revendique 500 000 auditeurs mensuels. “Mais il y a aussi des adeptes plus âgés, des trentenaires venus à la K-pop par les mangas ou la musique japonaise, complète Romain Krief, directeur de Soompi, le site de référence sur le sujet. Ce n’est pas uniquement un phénomène passager. La croissance de nos audiences est solide, c’est un public fidèle.” Une tribu passionnée et très active, largement ignorée des grands médias, qui se regroupe sur le Web.
POURQUOI ÇA MARCHE ?
Calibrée pour le “mainstream” (la culture dominante), la K-pop propose un univers sexy mais pas trash. Les jupes des filles sont courtes et les mèches des garçons travaillées, mais on ne se roule pas dans la boue en string comme dans certains clips de R’n’B américains. Bref, tout pour plaire aux ados sans choquer les parents.
Le succès de la K-pop est celui d’un mode de production bien huilé. En Corée, trois entreprises se partagent l’essentiel du marché : SM Entertainment, YG et JYP. Elles sont bâties sur le concept de “technologie culturelle”, développé par Lee So Man, le fondateur de la SM : “Nous formons (les groupes) sur une période de trois à sept ans dans les domaines de la musique, de la danse et de la comédie pour créer une star proche de la perfection.” De vrais élevages de champions, avec repérage précoce, appuyés par un marketing malin (les fan-clubs sont chouchoutés) et de multiples collaborations internationales (Teddy Riley, will.i.am, Kanye West…). Le processus est rationalisé à l’extrême pour générer des artistes “capables de réussir dans le monde entier”. Un Graal pour le businessman, une tragédie pour le mélomane.
Cette industrie du divertissement est à l’image du capitalisme coréen : vouée au culte de la performance, tournée vers l’exportation et soutenue par les pouvoirs publics. De la même manière qu’Hollywood est un outil d’influence culturelle pour les Etats-Unis, la K-pop est devenue la vitrine de la Corée du Sud, un vecteur de promotion du pays.
“Nous travaillons avec les professionnels du voyage pour faire venir les touristes grâce à la musique”, explique M. Soon, responsable marketing dédié à la K-pop à l’office du tourisme de Séoul. A l’entrée des locaux, on est accueilli par une galerie des idoles de l’hallyu, terme définissant la nouvelle vague coréenne, qui au-delà de la musique inclut le cinéma et les séries télévisées, également très populaires à l’étranger. “En France, nous assistons à un véritable engouement pour le pays grâce à cette vague, continue Charlotte Naudin de Korean Connection. Le nombre de participants à notre voyage en Corée a triplé cette année. Les cours de langue du Centre culturel coréen refusent du monde. Beaucoup de gens décident d’étudier pour déchiffrer les titres des chansons ou comprendre les paroles.”
L’expansion culturelle coréenne illustre le dynamisme du pays, passé en quelques décennies du sous-développement à l’ultramodernité et pointant aujourd’hui au quinzième rang mondial en termes de produit intérieur brut. Compétitivité économique, attractivité artistique… et taux de suicide record : si on aimait les formules toutes faites, on dirait que la Corée est le nouveau Japon. Un pays, en tout cas, avec lequel il faudra compter à l’heure où le centre de gravité du monde bascule vers l’Orient.
Dans quelques jours, le Palais omnisport de P-aris-Bercy et ses 15 000 places accueilleront le K-Pop Festival Music Bank, du nom de l’émission culte de la chaîne KBS, qui retransmet l’événement. On pourra y applaudir huit groupes, dont SHINee, Beast, T-ara, Girls’ Gene-ration et 2PM. Ces noms ne vous disent pas grand-chose ? Ce show sera pourtant diffusé dans 72 pays. Tremble, Lady Gaga ! A l’Est, il y a du nouveau.
K-Pop Festival Music Bank, au Palais omnisport de Paris-Bercy, Paris-12e, le 8 février à 20 heures. www.bercy.fr
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Posted By Miss-Shinayu