Le 15 octobre dernier, nous avons eu l’occasion de pouvoir assister à une conférence et un spectacle organisés par le Cercle Âme du Japon à la mairie du 4ème arrondissement de Paris. Le Cercle Âme du Japon présidé par Chôjun Ôtani, professeur et écrivain spécialisé dans les questions spirituelles, avec son ouvrage “Le bouddhisme face au monde contemporain” a pour objectif la promotion du mouvement Japonismes entre l’Occident et l’Orient en proposant des séries de conférences et de spectacles autour de thèmes propres à la culture japonaise.
Associé à la fondation Honganjin, le Cercle Âme du Japon proposait ce 15 octobre une conférence et un concert de koto autour du thème du “mono no aware”, traduit comme l’empathie des choses, thème propre à la spiritualité et la conscience artistique japonaises. L’objectif de cet événement était la célébration des 60 ans du pacte d’amitié entre les villes de Paris et de Kyoto. Avec près de 400 personnes présentes au sein de la salle des fêtes de la mairie, l’événement a connu un succès certain et a permis de verbaliser les amitiés entre la France et le Japon.
Après les discours officiels, la kotoïste (joueuse de koto) Shôko Ôtani s’est présentée et s’est installée afin de délivrer une performance tout à fait époustouflante. Shôko Ôtani est aussi la membre du conseil d’administration de la fondation Honganjin et participe donc activement aux événements. La performance a duré une trentaine de minutes, et c’est dans un silence complet que l’artiste a pu nous présenter deux œuvres empreintes de poésie intitulées “Les quatre saison au Japon” et “Comme un oiseau”.
Plus encore, l’artiste a dévoilé toute sa technique vocale et la profondeur de sa voix. Accompagnée de son koto avec lequel elle faisait corps, l’artiste donnait l’impression de tisser les notes et de tisser le cordage du koto. Le mouvement des mains était d’une délicatesse étonnante et les morceaux oscillaient entre douceur et tension. On en venait presque à entendre le chant des oiseaux tant l’instrument était idyllique.
La kotoïste a alors fait épreuve de toute la technique et la finesse que requiert la pratique de cette instrument qui dévoile aussi une espèce de syncrétisme musical entre des instruments occidentaux (harpe) et des instruments orientaux. C’était un très beau moment de poésie et le silence dans la salle ainsi que les applaudissements à la fin de la performance ont témoigné de cet envoûtement.
Pour les amateurs de musique traditionnelle ou de théâtre japonais, vous savez sûrement qu’il existe une diversité d’instruments traditionnels japonais, mais que la plupart du temps, les spectacles mettent en avant trois instruments en particulier : le koto, le shamisen, et le shakuhachi.
Commençons d’abord par le koto. Il s’agit de cet instrument à cordes, aussi appelé “harpe japonaise”, popularisé par Kengyo Yatsuhashi, utilisé la plupart du temps comme instrument d’accompagnement des pièces de kabuki et de bunraku (théâtre japonais). Cette cithare allongée, qu’on pose devant l’artiste est en général composée de 13 cordes. Parfois, cela peut monter jusqu’à 32, mais la maîtrise technique est complexe et ce sont les grands maîtres du koto qui s’y attaquent.
On trouve d’autres instruments qui appartiennent à la famille du koto parmi lesquels le yamatogoto ou encore le sumagoto. Instrument d’origine noble, le koto a été popularisé depuis peu de temps, et il reste un instrument qui demande beaucoup de technicité et de pratique. L’oeuvre la plus connue reste “Haru no umi” de Michio Miyagi, qui a introduit le koto en Europe au XIXème siècle. Les kotoïstes jouent alors avec l’aide d’onglets au niveau de la main droite.
Désormais, les artistes se plaisent à mêler le koto aux pièces symphoniques occidentales, afin d’y apporter une touche plus orientale, puisque l’oreille occidentale n’est pas forcément accoutumée aux sonorités orientales. Peut-être avez-vous déjà expérimenté une oeuvre de koto et qu’il vous a été difficile de l’apprécier complètement puisque les sonorités étaient complètement différentes ? En tout cas, le koto est aujourd’hui un instrument apprécié par les musiciens pour les bandes-sons de certains films, de certains animés et parfois simplement pour des pièces contemporaines.
L’autre instrument traditionnel japonais célèbre est le shamisen. Le shamisen, c’est cet espèce de luth [longue guitare qui accompagnait les poètes] introduit dans l’île d’Okinawa par les Chinois au XVIème siècle. D’ailleurs, le shamisen d’Okinawa reste différent puisqu’il n’est pas recouvert de la même peau. Le shamisen accompagne la plupart du temps les chants lyriques (utaimono) et les chants épiques (katarimono), ceci dans les pièces de bunraku, de Nô et de kabuki.
Autrement dit, le shamisen est cet instrument indispensable qui accompagne les acteurs et les danseurs et qui densifie les émotions interprétées par les acteurs. Souvent d’ailleurs les joueurs de shamisen accompagnent un chœur composé d’un ou deux chanteurs lorsque les acteurs ne chantent pas eux-mêmes.
Le shamisen est plus qu’un instrument d’accompagnement, puisqu’il donne le rythme et la tension à la pièce et il permet aux spectateurs de comprendre la gravité ou au contraire la légèreté d’une situation. Esthétiquement parlant, la position des joueurs de shamisen est très importante : placés sur le côté, les joueurs sont assis sur un zabuton et portent des tenues traditionnelles.
Yoshida Brothers est un groupe de musique contemporain, qui a débuté en 1999 composé des frères Kenichi et Ryoichiro Yoshida. La particularité de ce groupe est sa capacité à mêler le shamisen à des rythmes plus contemporains ou plus occidentaux. Voici l’une de ses œuvres les plus connues intitulée “Kodo”.
L’autre instrument cette fois-ci qui n’est pas un instrument à cordes mais un instrument à vent et qui représente bien la musique japonaise traditionnelle est le shakuhachi, flûte de bois de bambou utilisée principalement pendant les représentations de gagaku (données à la cour impériale). Cet instrument est apprécié des auditeurs puisqu’il rappelle la flûte de bois traditionnelle et parce qu’il incarne aussi l’esprit shinto, rappelant par sa composition les bois naturels tant vénérés.
Connaissez-vous le taiko ? Si vous avez déjà assisté à des représentations de taiko en France, plus particulièrement dans le cadre de Japonismes, la manière dont les percussionnistes jouent de leurs instruments n’a pas du vous échapper. Plus qu’impressionnants, les spectacles de taiko dévoilent toute la force et la technique des joueurs.
Ce mot taiko s’est élargit au sens de ” grands tambours japonais” mais désigne en réalité l’art de jouer du tambour. Le jeu de taiko se rencontre le plus souvent dans les spectacles, les festivals traditionnels mais aussi dans les pièces d’orchestres. D’ailleurs, il s’agit d’un art à part entière qui réunit danse, art martial et spiritualité. La pratique du taiko exige une rigueur corporelle avec beaucoup d’efforts physiques et fait appel à une forme de méditation de l’esprit, afin que chaque joueur soit en harmonie avec les autres et que les mouvements du corps fassent corps avec le son des percussions. Souvent, la musique est accompagnée de chorégraphies.
Les représentations de taiko sont très demandées, et il a donc été très difficile de se procurer des places pour le spectacle donné à la Philharmonie de Paris le 14 octobre dernier par un des ensembles les plus connus au monde : eitetsu hayashi et l’ensemble eitetsu fu-un no kai. En plus d’être musicalement très solide, cet ensemble en met plein la vue avec des spectacles époustouflants !
Vous êtes désormais fin connaisseurs des principaux instruments traditionnels japonais. Bien évidemment, il en existe une grande variété, preuve de la maîtrise et de la conscience artistique des japonais. Avez-vous déjà essayé de jouer de l’un de ces instruments ?
Sources pour les images : vivrelejapon, onlynativejapan, tokyo-tradition, nipponconnection