La manière de calculer l’âge d’une personne en Corée diffère de la tradition occidentale et pose un nombre conséquent de problématiques, d’ordre culturelles, légales ou simplement sociétales.
À l’occasion de la célébration d’une nouvelle année, les politiciens coréens ont cherché à repenser le maintien de ce système, pourtant ancré non seulement dans l’identité coréenne, mais dans l’identité orientale, Chine et Japon y compris, même si la Corée demeure l’un des seuls pays à conserver ce système de calcul.
La Corée pourrait très bien se débarrasser de ce “hanguk-nai”, cet “âge coréen”, qui amène parfois à des différences de deux ans avec l’âge international.
Le 3 janvier, l’homme politique Hwang Ju Hong, issu du Parti pour la Démocratie et la Paix, a soumis une proposition de réforme à l’Assemblée nationale pour établir une loi qui garantit la reconnaissance de l’âge international dans les documents officiels et l’utilisation immédiate de ce système international. La proposition de loi suggère que les documents officiels devraient prendre en compte à la fois le nombre d’années, et le nombre de mois passés depuis la venue au monde. Elle soutient aussi l’utilisation quotidienne de cette méthode de calcul internationale. Voici sa déclaration :
“De nombreuses critiques sont portées sur la méthode traditionnelle de calcul de l’âge, garantissant que le fait de considérer une personne plus vieille d’un an à la naissance et chaque année (du calendrier grégorien) est éloigné de la méthode de calcul internationale”.
“Sur tous les pays d’Extrême-Orient qui ont utilisé cette méthode (Chine, Corée, Japon), la Corée demeure le seul à la privilégier aux autres méthodes. Pour éviter toutes confusions et inconvénients, il est nécessaire de penser à l’unification d’un même système de calcul de l’âge”.
D’autant plus qu’un bon nombre de Coréens ont cependant manifesté leur désaccord, de peur d’un bouleversement du système de hiérarchie et d’utilisation du langage formel.
Pour quelles raisons l’âge coréen implique t’il de nouvelles problématiques ?
Comprendre le système du “hanguk-nai”
Cette méthode traditionnelle de calcul de l’âge d’une personne remonte à bien des époques et concerne la Chine, le Japon et la Corée. D’une part, la considération que l’être qui vient au monde a déjà un an, en raison des 9 mois de gestation passés dans le ventre de sa mère, arrondis à l’année, est donc basée non pas sur le vécu d’une personne à proprement dit, mais bien sur la durée d’existence et de conception. D’ores et déjà, l’enfant a donc “han sal”, un an, à la naissance. Déjà, cela implique une différence en terme d’éthique et de mœurs et symbolise par là un état d’esprit propre à certaines communautés, qui ont été influencées par la religion bouddhiste. D’autre part, un an, à l’origine ajouté pendant le nouvel an lunaire, est désormais ajouté à la personne le jour de la nouvelle année du calendrier grégorien, même si là encore des différences subsistent entre les nouvelles et les anciennes générations qui ne se basent pas sur les mêmes calendriers.
Autrement dit, il est parfois possible pour un enfant né le 30 décembre d’avoir 2 ans le lendemain de sa naissance, alors qu’il n’a que deux jours !
Deux choses à savoir ; la première, c’est finalement cette différence qui réside entre les anciennes générations, qui prennent un an de plus en fonction du calendrier lunaire (eumnyeok saeng-il), dont la date module chaque année, et cette nouvelle génération qui s’adapte et utilise plutôt le calendrier grégorien (yangnyeok saeng-il). La seconde, c’est que ce système, appelé “man-nai” a d’autres spécificités : si l’on se base sur le “seollal”, le nouvel an lunaire, l’âge ne correspond pas nécessairement à celui que l’on a si l’on se fie au calendrier grégorien. On peut voir cette méthode comme un calcul au “jour” tandis que l’autre est un calcul “à l’année” (qui implique de prendre l’année actuelle, de lui soustraire sa date de naissance et d’y ajouter un an pour savoir l’âge coréen).
Rassurez-vous, l’anniversaire traditionnel est toujours fêté, même si l’âge a déjà été acquis, il reste un incontournable pour se retrouver en famille et entre amis.
De nouveaux problèmes de société ?
Si cette méthode fait autant polémique dans certains milieux, c’est parce qu’il est fréquent de trouver de nombreuses confusions qui corrompent quelque peu l’âge réel d’une personne.
Il faut savoir qu’en terme de légalité, de documents juridiques et documents officiels, c’est l’âge international qui est privilégié afin d’éviter les disparités entre les systèmes de chaque pays. Toutefois, dans certains cas, par exemple pour la consommation d’alcools, de cigarettes, dans le système scolaire ou autre, la majeure partie des Coréens se réfère à l’âge coréen. En terme de légalité, cela fausse donc le processus même si aucune sanction n’est tenue quant à l’utilisation de cette méthode dans le cas d’abus frauduleux.
C’est là où émerge ce problème. Ce système fait désormais partie de “l’identité” coréenne. Il s’agit même d’une véritable tradition de demander à un touriste son âge coréen. Ainsi, dans la structure familiale, scolaire et sociale, la personne coréenne est immédiatement considérée par son âge coréen. S’en défaire, c’est pour beaucoup se défaire d’une tradition qui établit des processus sociaux, comme ce système de hiérarchie inhérent à la société coréenne, qui assure l’usage de langages et de codes différents : le langage formel ou informel.
Une chose qui échappe d’ailleurs à beaucoup, c’est cette conception particulière de l’amitié qui tient plutôt d’un code social basé sur l’année de naissance. N’avez-vous jamais entendu un coréen dire : “De quelle année es-tu ? Nous sommes alors amis.” Effectivement, de cette différence d’année s’établit tout un système hiérarchique qui inclut les notions de respect et de politesse. Voilà pourquoi les Coréens sont effrayés par l’abandon de ce système. En plus d’être une tradition majeure qui rythme leur vie quotidienne et sociale, il s’agit d’un système qui garantit sans protestation une dimension hiérarchique, pourtant évidente malgré tout. Mais les quelques mois, ou l’année de différence, importent beaucoup pour ces jeunes qui établissent aussi leurs relations sociales en fonction des personnes plus ou moins du même âge.
Ce système implique d’ailleurs une autre considération éthique : l’existence d’un être pendant sa conception et la gestation. Pour ceci, il faut remonter à l’éthique bouddhiste, qui voit l’existence d’un humain au-delà de la simple vie vécue. D’ailleurs, les Coréens fêtent aussi les 100 jours d’un enfant, à partir de son jour de naissance, ce que l’on appelle “baegil” et donne l’occasion de faire une grande cérémonie où se réunissent la famille et les amis. C’est dire à quel point la reconnaissance de l’enfant et du bébé est primordiale.
Or, considérer par exemple une personne née en février aussi âgée qu’une personne née en décembre de l’année précédente le 1er janvier reste pour beaucoup un grand mystère. Toutefois, les Coréens ont conscience de la différence et c’est pourquoi ils préfèrent l’âge compté en année, plutôt qu’en jours.
Les conflits germent donc davantage en terme de dimensions juridique et politique, qui tiennent à rester liées au maximum à la dimension internationale. D’autres problématiques peuvent également être évoquées par ceux qui critiquent ce système telles que la nécessité de prendre part au mouvement international et par là d’adhérer aux mêmes méthodes, ou encore la dénonciation d’un potentiel communautarisme.
En bref, il reste nécessaire de conserver certaines traditions qui font la beauté et la particularité d’une culture et qui, a contrario de ce que certains pourraient avancer, rapprochent les gens qui éprouvent davantage de curiosité et d’intérêt pour une société.
À votre tour de calculer votre âge coréen !
Sources : Soompi, bonjour-corée, koreantourinformation