[CULTURE] La Corée fête la journée du mouvement de l’indépendance : 100 ans plus tard, le traumatisme persiste-t-il encore ?

Il y a une semaine tout juste, la Corée célébrait le Salmijeol, aussi traduit comme la journée du mouvement d’indépendance. Le 1er mars 1919, alors que la Corée était encore sous tutelle japonaise, depuis son traité d’annexion en 1910, un soulèvement organisé en un mouvement d’indépendance autour de manifestations, d’attaques de bureaux d’administrations installés par la diplomatie japonaise a pris possession de la région.

Sévèrement réprimé par l’autorité japonaise, le mouvement a tout de même conduit la Corée à créer -en exil à Shanghai- un premier système de gouvernance de sa République et à penser à sa libération totale.

L’origine du mouvement

Le mouvement d’indépendance érigé en 1919 doit être considéré assez indépendamment du Parti Progressif, qui existe depuis 1884. Même si c’est ce Parti qui a en quelque sorte fait émerger cette conviction d’une indépendance nationale, le mouvement s’est construit par lui-même.

Avant même l’annexion totale de la Corée, les mouvements indépendantistes existaient déjà en raison d’un impérialisme croissant du Japon et d’un désir d’expansion de la Russie tsariste. Les problèmes auxquels faisaient face ces mouvements concernaient surtout le renversement d’un gouvernement conservateur ainsi que l’équilibre à tenir au milieu de ces grandes puissances qui voyaient déjà leur main-mise sur la Corée.

C’est surtout à partir de 1905 que la Corée comprend véritablement le rôle de ces mouvements indépendantistes. D’abord soumis à un protectorat japonais en 1905, la Corée est totalement annexée par le Japon en 1910. Autrement dit, elle n’est plus simplement soumise à un contrôle diplomatique, mais à une véritable tutelle : on y installe des bureaux diplomatiques, son économie sert à celle du Japon, on lui pille ses ressources, elle est presque soumise aux lois japonaises –parce que le Japon veut tout de même tenir à distance la Corée des privilèges de ses citoyens-, son système politique ne répond qu’à la gouvernance du Japon, dirigé par un empereur fort, avide de puissance et son armée. Les travailleurs coréens ne savent jamais où se placer en terme de citoyenneté : leur statut reste ambigu puisque même si les japonais aimeraient récupérer les terres coréennes -pour cela, il faudrait qu’ils garantissent un statut particulier au coréen-, ils refusent en réalité d’accepter l’idée qu’un coréen puisse faire parti de la nation japonaise.

En bref, les répressions violentes lorsqu’il y a refus d’effectuer un travail forcé, de répondre à un ordre nippon ou encore simplement l’envie d’être une nation à part entière pousse les coréens à considérer de plus en plus des actions de rébellion afin de reprendre le contrôle. D’abord de manière assez diplomate et visible, en envoyant par exemple des délégués coréens dans des grands sommets mondiaux, avec la formation de l’union nationale d’indépendance coréenne par exemple puis de manière plus souterraine. L’armistice de 1918 a peut-être été l’un des facteurs de l’émergence de ce mouvement. Pourquoi continuer d’être sous le contrôle répressif d’un pays lorsque même le monde est désormais en paix ? 

Au sein des milieux intellectuels, étudiants et religieux, des actions se préparent. Et c’est le 1er mars 1919 que le mouvement d’indépendance voit le jour. Des centaines de milliers de personnes se réunissent au parc de la Pagode afin de défiler avec un seul credo, celui de l’indépendance, et avec pour symbole, celui de la Déclaration d’Indépendance. Progressivement le mouvement gagne tout le pays, les manifestations continuent et si pendant quelques jours les actions étaient purement pacifistes, c’est lorsque les coréens se mettent à attaquer les administrations japonaises que les japonais envoient des bataillons réprimer très sévèrement la révolte. Les écoles et universités sont fermées, et les répressions sont violentes. Près de 7000 personnes y perdent la vie, 45 000 sont blessées et 49 000 sont arrêtées. Si les Japonais ont partiellement repris le contrôle de la Corée, les figures emblématiques de ce mouvement comme la jeune Yu Gwan Su, torturée à mort, deviennent les symboles d’une résistance qui reprend peu à peu le contrôle de sa nation.

100 ans plus tard, les coréens ont célébré il y a une semaine ce que l’on appelle le Samiljeol, cette journée consacrée au mouvement d’indépendance. Le 1er mars est désormais un jour férié et les gens se réunissent à l’occasion de cérémonies qui commémorent et honorent la mémoire de ceux qui ont résisté. Une lecture publique de la Déclaration d’Indépendance est d’ailleurs faite au parc Tapgol, là où elle a trouvé son origine.

Le traumatisme persiste-t’il ?

Il faut savoir que les relations nippo-coréennes ne sont pas au beau fixe. Depuis quelques années, les diplomates ont du mal à s’entendre sur une politique qui irait dans les deux sens. Cette journée du 1er mars est aussi l’occasion pour les coréens de repenser les relations avec le Japon et d’envisager peut-être des améliorations.

Notons toutefois que même si d’un point de vue culturel, le Japon et la Corée semblent désormais être sur la même longueur d’onde, il aura fallu attendre des années avant que la Corée ou même le Japon n’envisagent d’échanger culturellement. Encore aujourd’hui, leurs relations restent un tabou assez dur à lever pour bon nombre de personnes qui ressentent encore un certain traumatisme.

En effet, la colonisation japonaise en Corée, et ce jusqu’en 1945, a été une période de répression extrême, d’abus, de violences. Et même si tout se ne résume pas qu’en trois mots, beaucoup de coréens gardent l’image d’un Japon autoritaire qui s’est servi d’un nombre conséquent de coréens pour le travail forcé. Rappelons qu’au Japon, le statut des coréens est très particulier.

Les zainichi, comme on les appelle au Japon, ce sont ces “japonais”-qui n’ont d’ailleurs pas droit à la nationalité japonaise, à l’exception de quelques-uns- de descendance coréenne. Leurs grands-parents sont restés au Japon pour plusieurs raisons et ces nouvelles générations subissent assez franchement la xénophobie et le rejet. Beaucoup de coréens, même nés sur le sol japonais, avec des parents nés sur le sol japonais ne bénéficient pas de la nationalité japonaise, et sont en prime immédiatement stigmatisés, en particulier par les mouvements nationalistes.

Alors, même si les mentalités tendent à changer, les relations entre coréens et japonais ne sont pas toutes roses et beaucoup s’inquiètent de l’évolution de ces relations diplomatiques. Si d’un point de vue culturel, le Japon peine à se remettre en question avec sa tendance au conservatisme, d’un point de vue diplomatique, il peine aussi à clarifier ses relations avec la Corée du Nord, la Corée du Sud et les autres nations occidentales, de quoi inquiéter pas mal de monde !

Source : Bureau D’information Coréen, infocorea, japantimes

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