[CULTURE] La K-pop : nouvelle arme diplomatique dans les relations entre les deux Corée ?

Plus communément appelée “Hallyu”, la vague culturelle coréenne, traversée par divers aspects de la culture sud-coréenne et par de nouveaux phénomènes qui font fureur sur la scène internationale est désormais considérée par les politiciens comme une nouvelle arme, une stratégie non négligeable pour parvenir à s’imposer comme une nation solide. La K-pop, sous toutes ses formes, est désormais une marque politique sur une scène diplomatique fragile, concernée par des conflits socio-économiques et militaires. Pendant longtemps, la Corée a peiné à trouver sa place en Asie, écrasée par des géants sino-japonais, et un conflit militaire avec son voisin, qui l’a divisée et franchement affaiblie. Pour autant, depuis les années 80, la Corée du Sud fait preuve d’une modernisation ultra-rapide et son décollage n’a pas tardé à attirer l’attention sur son potentiel.

Depuis le début des années 2000, la Corée du Sud a su repenser ses stratégies. La K-pop, l’un des symboles emblématiques du pays a donc été réadaptée et étudiée de manière à servir l’Etat et à légitimer le pays sur la scène internationale. Toute la difficulté est de comprendre la manière dont la Corée du Sud a choisi d’envisager son soft power (pouvoir culturel) comme une arme diplomatique qui lui permettrait non seulement de devenir un pays de pression et de domination mais aussi comme une stratégie avec laquelle elle pourrait gérer autrement ses relations avec sa jumelle rivale nord-coréenne.

La nationalisation de la culture sud-coréenne : la stratégie de la diplomatie culturelle 

Le traumatisme du conflit coréen peine à être dépassé. Pour autant, une jeunesse rêveuse, lassée du conflit historique laisse la place à l’instauration d’une nouvelle religion, celle de la culture sud-coréenne. Comme les missionnaires d’antan, les diplomates ont bien conscience que la K-pop -et pas seulement, mais nous nous concentrerons là-dessus- est bien plus qu’un simple genre musical populaire et fantasmé.

Non, la K-pop converge avec le champ politique et devient désormais le symbole d’une force économique et culturelle indéniable, témoin d’une reconstruction et surtout d’un triomphe de la modernité de son parent sud-coréen. Pour preuve de ce travail acharné, la langue coréenne fait désormais partie de l’une des plus parlées au monde, et l’industrie musicale se mêle à l’industrie phonographique américaine, grand monopole dans le domaine !

K-pitalisme ou capitalisme ? 

A priori, la Corée du Sud a conscience que la K-pop constitue un avantage économique monstre et participe à sa nouvelle représentation sur la scène internationale. On peut donc parler de nationalisation d’une culture. La Corée du Sud se fait donc un nom, et parvient à se démarquer de son voisin nord-coréen.

C’est d’ailleurs par cette culture populaire qu’elle parvient à imposer sa diplomatie et surtout à se légitimer sur le plan politique : légitimer une culture populaire, c’est légitimer une nation. On ne parle plus d’élitisme politique, mais bien de la victoire d’un peuple et de sa culture tendance, moderne, fantasmée chez la jeunesse asiatique et du monde entier.

Ce décollage impressionnant permis par l’industrie musicale coréenne -ses boysband, ses girlsband, ses artistes solo, ses groupes de rock, ses formations de hip-hop et bien plus encore- fait désormais de la Corée du Sud une fusée économique capable de concurrencer les plus grandes puissances du monde, sans avoir à mener une politique extérieure irréprochable.

Pour le coup, l’intelligence des diplomates coréens a été d’utiliser la K-pop comme une stratégie qui n’est pas frontale, pas directement perçue comme une menace -surtout pour la Corée du Nord-, mais bien comme une preuve du changement social et d’une nouvelle ambition, plus seulement limitée à l’Asie, mais qui s’étend au delà des frontières.

Il faut aussi savoir que ces nouveaux missionnaires de la K-pop n’émergent pas simplement du domaine privé –les agences d’entertainment, pourtant à l’origine de la formation des grands groupes d’idols exportateurs-, mais bien du domaine public, de l’Etat et du gouvernement lui-même pour qui les intérêts et les décisions politiques ne sont plus aussi distincts que les intérêts économiques et culturels.

Ce paradoxe fait de la K-pop un objet d’étude complexe, qui au sein même de son fonctionnement, intègre des codes politiques afin de faire passer des messages. Les limites des champs politiques et culturels sont donc remises en question, et la culture -voire même le culte- de la K-pop se mêle à la représentation politique. On enseigne même à cette nouvelle élite sociale issue de l’industrie musicale des manières de se comporter afin de véhiculer une représentation puissante et assurée de la Corée du Sud : BTS, BIGBANG, INFINITE, BLACKPINK, 2NE1, mais aussi les artistes solistes et les styles de musiques populaires tels que le trot ont permis à la Corée de booster, de manière insoupçonnée son attractivité, après un passé assez difficile.

Youna Kim, “Comme si les conflits politiques et les tensions socioculturelles auxquels a été soumise notre nation divisée s’étaient reconvertis positivement dans l’élaboration de contenus émotionnels puissants”.

Cette citation, tirée de l’ouvrage de la chercheuse coréenne Youna Kim est l’une des phrases les plus justes en ce qui concerne la relation entre la Corée du Sud et la Corée du Nord. 

Fin mars 2018, les articles du monde entier s’enflammaient et se demandaient si la paix pouvait passer par la K-pop. Pour la première fois depuis des années, et malgré cette épée de Damoclès militaire qui plane au-dessus des deux régions, la diplomatie sud-coréenne -avec accord de la diplomatie nord-coréenne- a envisagé d’envoyer pour une performance exceptionnelle le groupe Red Velvet à Pyongyang.

Ne vous méprenez pas, c’est à la Corée du Sud de venir en Corée du Nord, l’inverse étant difficilement envisageable pour les diplomates du Nord. Donnée dans le cadre d’un événement très diplomatique, et lors d’une cérémonie très solennelle, la prestation des Red Velvet a toutefois été rythmée par une attitude loin de l’hyper-sexualisation flagrante des jeunes idoles sud-coréennes. Sobriété est le maître mot pour une région pour laquelle la K-pop est encore un fantasme lointain.

Poudre aux yeux ou réel échange ?

Là est tout le paradoxe. Du côté des dirigeants sud-coréens, l’adresse a été de mise. Imposer son “impérialisme culturel” devait être perçu comme une manière de resserrer les liens, et non pas comme une provocation directe sous prétexte de mettre de l’huile sur le feu à des relations qui sont déjà bien tendues. Même si la Corée du Sud semble avoir 1 pas d’avance, les dirigeants nord-coréens ne sont pas sans reste. Si les accords de paix ne naîtront pas simplement grâce à une performance musicale de cinq minutes, peut-être qu’intégrer les codes économiques sud-coréens leur permettraient déjà d’envisager des accords économiques et donc de construire un domaine culturel à priori sans grande influence sur le plan international. 

Alors que le 1er avril, Pyongyang accueillait près de 160 musiciens du sud, tous se demandaient à quel point la frontière était fine : musique ou politique ?

Ce n’est plus simplement les relations entre les deux Corée qu’il faut voir, ce sont aussi les relations diplomatiques avec le Japon, les Etats-Unis, voire même l’Europe à plus grande échelle.

Paradoxe encore : si d’un point de vue politique, le Nord accueillait avec le sourire les jeunes femmes des Red Velvet, il n’a pas desserré la vis pour autant. Il suffit de voir la situation très récente, lorsqu’un jeune nord-coréen s’est vu condamné pour avoir téléchargé des musiques du groupe BTS ou encore lorsqu’en 2005, un jeune homme a été condamné pour visionnage de dramas sud-coréens.

En voyant le président Moon Jae-In faire un discours presque solennelle aux BTS, on se demande si la Corée envisage réellement de mettre en avant cette diplomatie culturelle avant de se décider à revoir sa politique.

Le problème aussi, c’est que même si la situation permet un véritable optimisme, on a à faire à des jeunes artistes, qui pour la plupart ne saisissent même pas l’enjeu de leur carrière. Intégrer ces jeunes, cette nouvelle élite à des conflits diplomatiques qu’ils ne comprennent même pas peut être mal perçu par l’extérieur. Si il y a des points positifs, les enjeux pour ces jeunes restent si éloignés qu’on peut se demander si il n’est pas un peu maladroit d’en faire une nouvelle élite nationale, praticienne, plutôt que de chercher à revoir son élite intellectuelle politique, désormais épuisée.

Source : Soft power et nationalisme culturel : la vague coréenne, Youna Kim , amino, parismatch

 

 

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