Le 15 août ou la libération de la Corée du Sud
Aussi appelée “gwangbokjeol” en Corée du Sud, la journée de la libération, célébrée le 15 août marque simplement le jour de la libération du pays au sortir de la seconde guerre mondiale par les Etats-Unis et l’URSS, et donc de la libération de la tutelle japonaise. Une allocution présidentielle inaugure les festivités, suivie d’un défilé militaire et de nombreuses cérémonies. À l’evidence, considéré comme un jour férié, le 15 août ne manque pas de rappeler aux sud-coréens les traumas et combats de leur histoire.
Un contentieux profondément ancré dans les relations nippo- coréennes
Parmi l’histoire de la Corée du Sud, l’une des périodes les plus marquantes est à l’évidence la tutelle japonaise sur une nation affaiblie. En ceci, le “jour du retour de la lumière” cette année promet d’être marqué par des tensions qui ne cessent de s’accentuer dans les relations diplomatiques nippo-coréenne.
Pour autant, ce contentieux ne date pas d’aujourd’hui et prouve que les relations politiques entre les deux nations ont toujours été profondément marquées par une forme de réticence et de méfiance mutuelles. C’est le 22 juin 1965 que le Japon reconnaît officiellement la nation sud-coréenne avec la signature du traité de normalisation des relations (même si certains coréens s’y opposaient franchement). Alors que l’entente semble plutôt bien lancée, les relations superficielles cachent en réalité des traumatismes moraux et économiques plus profonds, qui se répercutent nécessairement sur le plan politico-économique. Tandis que depuis quelques années, la Corée du Sud semble s’affirmer comme une puissance redoutable, avec une économie florissante, le Japon lui peine à sortir de sa crise financière et démographique et voit donc en ses voisins ( Chine, Corée) de potentiels rivaux. Jusqu’alors, rien de bien particulier…
Pourtant, depuis 2012, les relations ne cessent de se dégrader, et les conflits finissent par s’implanter dans différentes sphères. Parmi les principaux conflits, on retrouve ceux autour des rochers Liancourt, et ceux autour des îlots dont la zone économique exclusive (zone des mers qui est la propriété exclusive d’une nation) Dokdo-Takeshima est revendiquée par les deux côtés, ou encore l’embargo posé par le navire sud-coréen sur les produits japonais marins après l’explosion nucléaire de Fukushima.
Si le contentieux est davantage d’ordre économique et politique, une toute autre réalité prouve que ni l’un ni l’autre n’ont su passer au-dessus des sévices reçus lors de l’occupation japonaise. Alors que le 28 décembre 2015, le gouvernement Abe prononce “ses excuses et son repentir du plus profond de son cœur”, la Corée du Sud réclame des dédommagements plus légitimes, dont la reconnaissance d’un esclavage sexuel, avec la reconnaissance des femmes de réconfort, utilisées pour satisfaire les besoins sexuels des militaires japonais pendant la guerre, le dédommagement envers les travailleurs forcés ou encore des zainichis, ces descendants coréens nés au Japon, mais qui ne bénéficient toujours pas du droit du sol ou de la même légitimité qu’un japonais. La Corée du Sud conteste aussi cette tendance révisionniste qui peut alimenter un nationalisme anti sud-coréen. En bref, le traumatisme de l’occupation japonaise est si présent qu’il reste encore tabou aussi bien sur le sol coréen que sur le sol japonais et la question éthique demeure l’une des plus difficiles à maitriser.
Une diplomatie au plus mal
En effet, quelles sont les bonnes stratégies à adopter pour un équilibre ? Cette question est l’une des plus mises à mal en ce moment, en vu de la tension qui atteint son paroxysme à l’heure actuelle. Les différents embargos ou rejet de la part de la Corée du Sud sont considérés comme des provocations par le gouvernement japonais. Les deux nations peinent à trouver un point d’entente alors qu’elles font partie des grandes puissances asiatiques et des puissances les plus impliquées sur la scène internationale.
La tension a surtout atteint son climax ce mois de juillet, alors que le Japon a imposé des sanctions économiques en Corée du Sud sur un certain type d’industrie. La riposte est évidente, des mouvements voient le jour et exigent le boycott des produits japonais en Corée du Sud, de quoi faire sortir le gouvernement Abe de des gonds, qui retire définitivement la Corée du Sud de sa liste de partenaires de confiance, suivie très rapidement par la machine Moon qui fait de même.
Toutefois, cette guerre économique et diplomatique sans merci – puisque le Japon reproche à la Corée du Sud ses rapprochements avec la Corée du Nord- traduit en réalité une crainte de l’imprévisibilité des deux nations -sur la question militaire, étant donné que le Japon ne peut être déclencheur d’une attaque militaire avec son armée de défense- dont les astres qui gravitent autour ne sont autres que les géants chinois et américains, eux-mêmes pris dans une forme de conflit. L’impact économique sera évident pour la Corée du Sud, pour laquelle le Japon est l’un des principaux clients et associés, et le PIB risque de se revoir à la baisse dans les prochains mois si la situation empire..
Yuki Wakasa, Ayane Furuichi et Rei Sasaki, trois étudiants japonais, nous disent qu’il est “difficile de prévoir les stratégies, qu’il faut aussi considérer les relations avec les Etats-Unis“, ou encore “que le conflit est compliqué”, “que la situation ne va peut-être pas s’arranger”.
De toute évidence, les prochains jours sont à surveiller et on ne doute pas que cette journée a fait ressurgir les revendications et traumatismes nippo-coréens.
Source : échos,rfi