Les états de la région Chinoise n’ont jamais été aussi alertes qu’en ce moment. Avec les manifestations de Hong Kong sévèrement réprimées, c’est au tour de Taiwan, de l’autre côté du détroit de Formose, et où la voix de l’indépendance hong-hongkongaise fait inévitablement écho, de connaître un contentieux avec la Chine continentale. Les médias mainstream occidentaux commencent tout juste à se préoccuper de la situation de l’Etat, qui voit de plus en plus sa place sur la scène internationale lui glisser des mains. De moins en moins reconnu, et de moins en moins soutenu, Taiwan court-il à sa perte ou devra-t’il prendre les mesures nécessaires incessamment sous peu pour s’arracher des griffes de la République populaire de Chine, qui maintient la pression sur ce qu’elle considère comme une « province rebelle ».
On vous explique tout dans l’article suivant !
Des origines de l’énigme Taïwanaise ….
Taiwan demeure pour beaucoup un grand mystère. Son statu quo, contrairement à celui de Hong-Kong, considérée comme province chinoise dès sa rétrocession en 1997 à la République populaire de Chine, tient plutôt de la notion d’état indépendant. De son nom premier « République de Chine », qu’il ne faut pas confondre avec la République populaire de Chine, autrement dit la Chine continentale, Taiwan présente des complexités dès son établissement. Construite sur une opposition forte au régime maoïste, avec le parti de Tchang Kai Chek, celui du « Kuomintang », le parti nationaliste, auparavant ouvert à un dialogue pour un rapprochement économique avec la Chine continentale, mais désireux de conserver sa souveraineté – désormais le parti nationaliste est soutenu par Pékin et s’oppose franchement au parti démocrate progressiste à la tête de l’état-, Taiwan est une démocratie (vague de démocratisation en 1975) attachée à ses valeurs libérales, démocratiques, et surtout à sa diversité culturelle.
En effet, l’état de Taiwan, même si il n’a jamais réellement posé les conditions de son indépendance de la Chine continentale, rapproche sa souveraineté d’un sentiment national fort, lié à sa mixité culturelle, à sa population qui réunit aborigènes et descendants chinois et surtout à sa croissance économique qui en a fait dans les années 80 l’un des quatre dragons asiatiques aux côtés de Hong Kong, Macau et de la Corée du Sud. Inévitablement, la République de Chine s’est éloignée de la politique et de la morale appliquées sur le continent. Taiwan est donc resté pendant longtemps le représentant de la Chine sur la scène internationale, en intégrant l’ONU et Interpol, et ce, jusqu’à ce que la République populaire de Chine de Pékin n’entre elle-même à l’ONU en 1971, et à Interpol en 1984, excluant partiellement Taiwan des relations diplomatiques internationales, et privant Taiwan de la reconnaissance en tant qu’état de la majorité des pays du globe.
Côté politique intérieure, les partis politiques de Taiwan sont symboliques quant à la direction politique que souhaite prendre la nation. Face au parti nationaliste pro-pékin de nos jours (les bleus), c’est le parti démocratique progressiste (DPP) qui domine le gouvernement de nos jours, avec la présidence de Tsai Ing Wen, et une tendance « verte » qui est celle de l’indépendance totale du pays.
… Au contentieux de nos jours
En bref, comment expliquer la situation actuelle à Taipei ?
Le problème du moment, c’est évidemment la fragilité des relations de Pékin avec Hong Kong et Taiwan, où les manifestations Hongkongaises et le désir d’un séparatisme total déteint forcément. Pékin resserre sans cesse la vis sur ces deux régions qu’elle considère comme ses provinces, alors même que le statut quo de Taiwan est tout autre, et n’obéit pas à la gouvernance pékinoise. Pour dire, les mouvements indépendantistes qui ne cessent de voir le jour à Taiwan sont une gangrène à l’avenir des relations diplomatiques entre Pékin et Taiwan selon le porte-parole du bureau des affaires de Taiwan au conseil d’Etat, Ma Xiaoguang, qui conclut que «les forces indépendantistes fragilisent les relations, et donc les intérêts des taïwanais ».
Le conflit actuel a été biberonné à la « diplomatie du carnet de chèque » menée par la Chine ces derniers temps. En effet, l’objectif de la Chine continentale étant de rallier les états du Pacifique à sa cause, elle n’hésite pas à débourser des sommes astronomiques pour soutenir les nations, les fournir en matériel et les pousser de manière officieuse à prendre partie et à tirer une croix sur la reconnaissance de Taiwan. Parmi les deux dernières « cibles » de la Chine, ce sont les îles Salomon et les îles Kiribati qui ont été « écumées » à Taiwan, qui voit sa liste des nations qui l’admettent en tant qu’état indépendant réduite à 15. Inéluctablement, la stratégie de la Chine attise les foudres de Taiwan, piétiné et écrasé par la Chine, qui menace de manière claire « d’enterrer » ses relations diplomatiques avec les acteurs de la scène internationale.
L’impasse est distincte des deux côtés, et le cercle vicieux ne fait qu’ajouter des boucles à son processus : Pékin oblige Taiwan à faire preuve de concessions en éteignant la flamme indépendantiste qui s’embrase, au risque de nécroser sa légitimité sur la scène mondiale, requête qui anime finalement d’autant plus l’âme insurrectionnelle Taïwanaise.
Si Xi Jinping déclare « la Chine doit être réunifiée et elle le sera. L’indépendance de Taiwan est une entorse à l’histoire et ne pourra conduire qu’à une impasse et à un profond désastre », la réponse de la présidente Taiwanaise est évidente : Taiwan refuse de se soumettre et de devenir une « pièce du jeu d’échec chinois ».
Pour cause, cette diplomatie du « chèque » est dénoncée par Washington, seule grande menace pour la Chine. En effet, Trump n’a pas hésité à souligner les stratégies chinoises qui piétinent naturellement la diplomatie internationale Taiwanaise. Liés à Taiwan depuis le « Taiwan Act » de 1979, qui prévoit, en cas d’agression militaire, un effort de soutien à la défense Taiwanaise, les Etats-Unis ont une position assez ambiguë dans ce contentieux. Ce qu’ils craignent davantage, c’est une avancée militaire et diplomatique de la Chine dans le Pacifique, en bref, sa domination et son expansion. Ce que la scène occidentale craint aussi, c’est un théâtre militaire inévitable, et donc la menace d’une intervention militaire de la Chine, qui depuis 2005, par la loi anti-sécession et l’intention d’user de moyens « non pacifiques » si déclaration d’indépendance se fait, pèse au-dessus de Taiwan comme une épée de Damoclès.
Vers une Taiwan autarcique ?
Si Taiwan est de toute évidence l’une des sociétés les plus développés de nos jours, avec un PIB par habitant de loin raisonnable, à distance des problématiques d’une Chine continentale torturée par une fracture sociale entre ses campagnes et ses villes, il n’en est pas moins sûr qu’elle puisse le rester si tous ses partenaires venaient à lui tourner le dos. Pour cause, la Chine n’hésiterait pas à sacrifier et paralyser ses relations économiques avec Taipei, en lui imposant un gel total, étant donné qu’elle en est l’un de ses principaux marchés économiques.
Avec cette « désinisation » -on reviendra plus tard sur le terme qui pose bien des soucis-, la « province rebelle » selon les termes de Pékin, prend le risque d’asphyxier ses relations diplomatiques et économiques avec un bon nombre de pays, dans l’impossibilité malgré eux d’affirmer leur opposition à la Chine – afin de préserver son statut quo.
Dans une impasse, Taiwan procède à cette tentative d’indépendance face à Pékin qui souhaite imposer le même système qu’à Hong-Kong, celui « d’une Chine, deux systèmes », mais que Taiwan voit plus comme « Une Chine, un système ». Et à l’évidence, Taiwan pense bien faire de rester sur ses gardes. Les raisons qui portent ce mouvement d’indépendance, qui risque dans les prochains mois, avec les élections de 2020 de prendre encore plus d’ampleur, si réélection de la présidente actuelle il y a sont multiples et très complexes.
Loin d’être une désinisation totale, c’est plutôt une autre forme de « sinisation » que Taiwan intente, autrement dit le passage d’une « vraie Chine » à une « autre Chine » mots apprêtés au chercheur Barthélémy Courmont. Comme dit plus haut, Taiwan revendique son appellation première de « République de Chine » en se basant sur des arguments moraux, qui tiennent d’un fort attachement à la démocratie, spécialement chez les jeunes, convaincus corps et âme que « la vraie liberté est à Taiwan », à l’attachement à un sentiment d’appartenance nationale, à un « nationalisme créole », celui de leurs origines, de leurs idéologies qui sont « plus chinoises que celles des chinois », à une culture donc qui se manifeste dans une éducation spirituelle, culturelle, familiale fortes, marquées par la transmission des langues officielles, des dialectes. En bref Taiwan véhicule le sentiment de « sinisation » et il n’est pas rare que la jeunesse instruite, impliquée dans la vie politique, ait le sentiment de faire partie du peuple taïwanais. Attaché à ses libertés, Taiwan punit tout acte et « comportement qui porte atteinte à [sa] démocratie et [sa] liberté » (Agence de l’immigration), exemple premier, un touriste chinois expulsé pour avoir dégradé un « mur de Lennon », un mur qui portait un message de paix en soutien aux manifestations de HongKong.
D’un point de vue interne, « Taiwan est une nation à part entière », et la jeunesse est celle d’une insurrection face aux autorités gouvernementales opposées à leurs intérêts et à leur identité. Le soucis, c’est donc le décalage entre ce sentiment national fort et sa véritable situation sur la scène internationale : Taiwan est de loin peu soutenu par les états occidentaux et autres, qui ne conservent que des relations officieuses avec la péninsule -les relations universitaires avec la France par exemple- pour éviter de fâcher la Chine et qui ne la reconnaissent même pas à l’ONU comme un état indépendant, en bref, le soucis d’une insuffisance de l’implication diplomatique internationale qui met sur la touche un pays qui perd de son pouvoir diplomatique, et qui a contrario de Hong Kong –si il était possible de les comparer malgré leur différence de statut- ne peut même plus compter sur un argument économique.
Le jeu en vaut-il la chandelle ? Etant donné que la Chine campe sur ses positions, et qu’il faudra bien attendre des décennies avant qu’elle ne daigne sortir de ses carcans, Taiwan aura-t-il le courage de faire cavalier seul en portant le message des taiwanais plus que jamais au centre de l’actualité, rapporté par le journaliste Hu Ping : “Nous avons notre terre, notre peuple, notre gouvernement, notre armée, notre monnaie, notre drapeau. Nous avons des douanes, Nous délivrons des visas. Nous pouvons échanger notre monnaie à l’étranger et notre administration gouvernementale est parfaitement structurée”
Qu’en est-il des autres états qui soutiennent encore Taiwan ? Alors que la Chine tente de prendre le contrôle sur l’information relayée pour imposer davantage ses tendances, Taiwan sera-t-il complètement écrasé sous le poids du géant ? Si la scène internationale refuse de s’impliquer dans un conflit qui est aussi le sien sur le plan moral –défense de libertés universelles et de droits naturels-, les catastrophistes auront bon dos de faire voir le jour à leur pessimisme radical…
Sources : lepoint, le figaro, lacroix, franceculture, thediplomat, taiwannews, barthélémy courmont-Souveraineté, démocratie et identité : la question permanente et sensible de la nation à Taiwan, publié dans la revue internationale de politique comparée