Dans de nombreux pays, les masques sont très présents dans l’histoire et les traditions. La Corée ne fait pas exception puisque les masques sont entrés dans la culture depuis la préhistoire, passant des rites religieux au divertissement populaire.
Les masques coréens sont fabriqués à partir de bois d’arbre, mais également de courge, de calebasse ou de cuir, de papier mâché et même de fibres de riz. Ils tiennent sur le visage grâce à l’attache d’une cagoule en tissu noir qui maintient également les cheveux.
En Corée, les masques traditionnels sont désignés par le mot 탈 (Tal). Cependant, ce terme avait une connotation assez négative liée à sa traduction qui est synonyme de difficulté, voire même de maladie. C’est pourquoi, auparavant, lorsque ces masques étaient utilisés dans les rites religieux pour protéger les villageois des mauvais esprits, toute la population les vénérait autant qu’ils les craignaient. Ces masques étaient brûlés après utilisation ou conservés dans des sanctuaires bien protégés. D’autre part, selon une théorie, le mot Tal vient d’un autre mot chinois dont le sens premier était de “laisser aller” ou “être libre”.
Durant les nombreuses guerres qui ont éclaté sur la péninsule coréenne, les soldats et même leurs montures portaient des masques pour intimider l’ennemi. A cette même époque, il n’était pas rare que les masques soient inspirés par le visage d’une personne défunte pour lui rendre hommage.
Le Talchum et Talnori
C’est ainsi que ces masques ont commencé à rentrer dans la culture du pays. De là, les artistes se les ont appropriés pour accompagner les costumes utilisés dans les pièces de théâtre. Ils pouvaient interpréter des personnages aux multiples facettes selon les dessins présents sur chaque masque en portant des tenues traditionnelles nommées hanbok. Avec cela, ils ont été rebaptisés 탈춤 (Talchum) et 탈놀이 (Talnori) pour qualifier leur utilisation de déguisement dans des pièces alliant la danse à la musique. Les masques représentaient des Hommes, mais également des animaux et des divinités traditionnelles.
Comme certains ont pu le remarquer dans plusieurs dramas historiques, des pièces de théâtre étaient souvent organisées dans les villages par des comédiens qui critiquaient la société, visant surtout l’aristocratie et la bourgeoisie. Bien souvent, les comédiens créaient leur masque pour représenter une personne de la haute société et se moquer des rumeurs qui couraient sur lui. Cela relatait globalement quatre thèmes. Le premier regroupe l’avarice, la stupidité et le côté malsain de l’aristocratie. Ensuite, les comédiens se moquaient des triangles amoureux entre un mari, sa concubine et sa femme. En troisième, ils dénonçaient la débauche et les moines corrompus. Et enfin, le quatrième thème concernait le bien et le mal où la vertu triomphait. Cette danse des masques était composée de sept actes entre danses, musiques et dialogues dramatiques. Les spectateurs pouvaient intervenir librement avec les comédiens qui s’adaptaient aux réactions de leur public.
Ici, les masques étaient donc des objets de caricatures qui exagéraient les traits des protagonistes. A noter qu’ils étaient également un bon moyen de cacher son identité face aux autorités qui voyaient souvent d’un mauvais œil certaines représentations controversées sur les dirigeants du pays. Cela donnait donc la liberté aux comédiens de se produire anonymement et de dénoncer les problématiques sociétales du moment pour soulever l’espoir d’un avenir meilleur.
Pour résumer, les masques étaient donc grotesques et des couleurs primaires vives qui représentaient la personnalité d’une certaine personne, sa classe sociale et même son âge et son sexe.
– Masque noir et sombre : personnage âgé, anxieux et socialement marginalisé
– Masque rouge et brillant : personnage masculin jeune et insouciant
– Masque blanc : personnage féminin pur
– Masque rouge et sombre : caractère insouciant et agressif
– Masque jaune ou pastel : caractère fou et incompétent
Si un personnage rentre dans plusieurs de ces catégories (non-exhaustives), les masques étaient peints de deux couleurs.
Aujourd’hui, même si les masques sont toujours portés dans certaines pièces de théâtre, ils sont surtout utilisés comme objets de décoration, comme souvenir pour les touristes, mais également pour protester lors de manifestations.
Instruments accompagnant le Talchum
Chaque danse et pièce de théâtre sont accompagnées par de la musique. Pour commencer, l’un des instruments incontournables est le Haegum (해금), qui est un instrument à corde traditionnel en bois semblable à un violon. Il se joue verticalement et fait sonner deux cordes en soie contre un manche en forme de tige dans une caisse à résonance creuse.
Ensuite, il y a le Daegeum, une flûte traversière en bambou plus ou moins longue qui donne du relief au Haegum. Pour les percussions, l’orchestre est muni d’un kkwaenggwari, un petit gong plat très typique de la musique folklorique coréenne, qui se joue avec un bâton. Il produit un son métallique aigu semblable à une cymbale lorsqu’il est frappé fort. La deuxième percussion est donnée par le Janggu, un tambour à deux faces qui ne produisent pas le même son. Enfin, la troisième percussion est marquée par le Buk, un autre tambour peu profond en forme de tonneau.
Il est maintenant temps de vous présenter quelques masques coréens parmi les plus connus :
Le masque Cheoyong (처용)
Ce masque est très connu puisque de nombreuses pièces de théâtre l’ont mis en scène.
Cheoyong est un personnage faisant parti d’une légende datant du royaume de Silla (57 avant J-C). Cheoyong avait une femme tellement belle que même les démons la désiraient. Après s’être absenté toute une journée, il a découvert deux paires de jambes dans son lit. En s’approchant, il s’est rendu compte que sa femme se trouvait au lit avec l’esprit de la variole Mamasin. Malgré cela, il quitta simplement les lieux et alla chanter et danser sa tristesse. L’esprit Mamasin, touché par sa clémence, lui promis de ne jamais revenir.
Par cette histoire, de nombreux masques ont été peints à son effigie et pendu sur les portes d’entrée, surtout dans les lieux de culte, pour faire fuir les mauvais esprits. Son chant et sa danse de tristesse appelés Cheoyongmu ont été reproduits chaque dernier jour de l’année au palais royal pour faire fuir les esprits malfaisants et protéger la famille royale.
Le masque Bangsangssi (방상시)
Ce masque impressionnant est considéré comme étant le plus vieux de Corée (5ème siècle après J-C). Jusqu’en 1900, il était utilisé pour repousser les esprits malveillants dans des cultes religieux comme les exorcismes ou les enterrements. Dans ce dernier cas, il était enterré dans une petite fosse proche du défunt. Pour les exorcismes, il était brûlé après utilisation.
Les masques Hahoe (하회)
Durant des siècles, chaque province de Corée avait sa propre version des masques divertissants, suivant les compétences des artisans présents sur leur territoire et les dirigeants de chaque région. Les masques Hahoe sont assez caractéristiques, chaque trait de visages est gravé directement dans le bois. Chaque année, ces magnifiques objets artisanaux sont présentés lors du festival de la danse des masques à Andong.
Les masques Hahoe sont issus d’une légende particulière. Selon elle, durant le royaume de Goryeo (918-1392), un artisan, Heo, vivait dans un village touché par une extrême pauvreté inexpliquée. Un jour, l’esprit de la montagne a rencontré Heo dans son rêve pour lui dire que la pauvreté serait éradiquée si tous les villageois dansaient dans les rues avec des masques qu’il aurait créés. Cependant, cette bonne nouvelle impliquait une condition : Heo devait couper tout contact avec l’extérieur durant la création de ces masques. Heo n’a pas hésité une seule seconde et s’est isolé pour les confectionner. Environ cent jours après son isolement, une femme qui était amoureuse de Heo ne pouvait plus supporter leur séparation. Elle est donc allée dans son atelier. Mais Heo était juste en train de finir son dernier masque, le Imae (이매). En croisant le regard de sa bien-aimé, Heo est mort sur le coup. Imae ne fut donc jamais terminé, c’est pourquoi il n’a pas de mâchoire. L’histoire ne nous dit pas si le village est tout de même resté dans une grande pauvreté après avoir dansé avec les masques laissés par Heo.
Il serait possible de vous présenter des dizaines et des dizaines d’autres masques, au vu de la variété et de la diversité de chacune des régions de Corée du Sud.
Et vous, avez-vous déjà vu un spectacle traditionnel coréen où les acteurs portaient des masques traditionnels ? Racontez-nous vos ressentis en commentaire !
Sources : (1) / (2) / (3) / (4) / (5) / (6) / – Photos : (1)